La Cour des comptes diagnostique les déserts médicaux
Les magistrats de la Cour des comptes constatent la dégradation des soins dans certains territoires et en font porter la responsabilité à trente ans de politiques hésitantes, floues et éloignées des zones qui en ont le plus besoin.
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Les déserts médicaux s’aggravent au fur et à mesure des plans successifs qui promettaient de les améliorer. L’ironie est soulignée par un rapport que la Cour des comptes a rendu public le lundi 13 mai 2024. Les remèdes amplifient la maladie ! Les magistrats financiers proposent de revoir une bonne partie du système complexe de l’accès aux soins en priorisant les aides et en admettant un conventionnement sélectif des médecins.
Dégradation du système français
« Les Français ont de plus en plus de mal à accéder aux soins de premier recours », fait mine de découvrir la Cour des comptes dans son rapport. Elle avance quelques chiffres marquants qui donnent une idée de l’ampleur du problème. En résumé, les délais moyens pour obtenir des rendez-vous avec les médecins s’allongent, la part de patients sans médecin traitant s’accroît, de même que la part de médecins ne prenant plus de nouveaux patients.
Pour avoir une idée de la dégradation du système français, la Cour des comptes relaie des comparaisons internationales du Commonwealth sur l’accès à un rendez-vous médical le week-end. Avec 43 % de réponses « accès facile ou très facile », la France se classe dans les mauvais élèves, même derrière les États-Unis (46 %) et bien loin des Pays-Bas ou de la Norvège (72 et 65 %).
Dans certains territoires, le taux de patients sans médecin traitant peut atteindre jusqu’au quart des patients et le taux de passages aux urgences sans gravité particulière, 40 %.
La démographie explique une part de ce constat. Le vieillissement de la population dans les zones rurales se traduit par une augmentation de la fréquence des maladies chroniques. Les médecins y répondent en augmentant les rendez-vous programmés, raréfiant la disponibilité de leur agenda pour des soins non programmés qui sont la définition des soins de premier recours.
Trente ans de politiques publiques
Mais les politiques publiques n’ont pas arrangé les choses malgré trente ans de diverses mesures ou plans déployés pour mieux organiser les soins de premier recours. Les médecins sont d’abord devenus les pivots du soin, en devenant « référents » puis « traitants ». Des « réseaux de soins » ont cherché à répartir la charge du suivi des patients. Puis des maisons de santé sont apparues dans les territoires. Les médecins libéraux ont été chargés d’appuyer les premiers recours.
Dans les faits, ces politiques nationales ont eu du mal à se traduire par des objectifs opérationnels évaluables. Pire, les mesures successives et pas coordonnées ont été de moins en moins orientées vers les territoires qui en ont le plus besoin. « Le contraste est donc important entre l’ambition des mesures annoncées et le sentiment d’abandon que peuvent ressentir des habitants des territoires les plus fragilisés », résume la Cour des comptes.
Le retour des hôpitaux
Les magistrats proposent quelques pistes pour corriger cet échec :
- Dans les zones manquant de personnels de santé, implanter des centres de santé polyvalents de proximité, sous l’autorité des hôpitaux, qui se verraient ainsi dotés d’une compétence nouvelle ;
- Flécher les aides vers les territoires et les patients les plus vulnérables. Par exemple, les aides à la création d’emplois d’assistants médicaux seraient différentes selon les territoires ;
- Autoriser l’autodéclaration des patients pour les arrêts de travail courts, comme ça avait été autorisé pendant la crise du Covid et comme ça se pratique dans d’autres pays sans constater un détournement du système ;
- Conditionner l’installation de nouveaux médecins en zone déjà bien pourvue à une obligation d’exercer partiellement dans des zones moins bien dotées.
Cette dernière proposition se veut un compromis entre la liberté d’installation, chérie par les représentants des médecins, et la lutte contre la désertification. Le président de la Cour de comptes, Pierre Moscovici, reconnaît qu’il touche là à un sujet d’une grande sensibilité politique et d’une grande difficulté pratique.
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