L’apiculture française bat de l’aile face aux importations
Hausse des importations, prix non rémunérateurs, miel frauduleux… Les apiculteurs français n’arrivent plus à vendre leurs produits. Le couteau sous la gorge, ils réclament une aide d’urgence de 40 millions d’euros pour la filière et la mise en place d’un prix minimum d’entrée aux importations.
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La colère des apiculteurs gronde. Munis de leurs enfumoirs et de leurs combinaisons, ils sont venus de toute la France manifester le jeudi 30 novembre 2023 à Paris, sous l’étendard de la Confédération paysanne et vendre leurs produits invendus à « prix solidaires ». Ils dénoncent les difficultés de commercialisation rencontrées pour tous les types de miel et la concurrence déloyale des importations.
En urgence, ils demandent une aide à la trésorerie de 40 millions d’euros, répartie en fonction du nombre de ruches par apiculteur et l’instauration d’un prix minimum d’entrée pour le miel.
Les négociants étouffent la production française
Alors que la production française couvre presque les besoins nationaux, pourquoi les apiculteurs ne parviennent-ils pas à vendre leur miel ? « Il y a un problème de prix. Les négociants français ont massivement importé du miel des pays de l’Est à des prix dérisoires, jusqu’à moins de 2 €/kg. Ils ont saturé leurs entrepôts de miels étrangers et ne veulent plus acheter la production française avant février-mars 2024 », explique Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Aujourd’hui, les miels d’importation représenteraient plus de 50 % des volumes consommés en France.
L’abolition des droits de douane pour les produits agricoles ukrainiens aurait renforcé le phénomène, selon la syndicaliste. Les coûts de production y étant plus faibles qu’en France en raison des normes environnementales et sociales différentes. « Même si le miel importé est acheté à un prix défiant toute concurrence, il n’est pas répercuté sur le consommateur ! Il y a une surmarge scandaleuse effectuée par les intermédiaires et la distribution. Il faut rendre visible cette marge et l’encadrer », déplore-t-elle.
Un prix minimum d’entrée selon le type de miel
Une solution proposée par la Confédération paysanne pour réguler les importations porte le nom de prix minimum d’entrée. Il consiste à imposer un prix de revient moyen en France comprenant le coût de production et la rémunération paysanne. Ce prix serait déterminé par les pouvoirs publics en fonction des données fournies par l’Observatoire des prix et des marges, les instituts techniques et l’interprofession.
Il tablerait entre 6 et 7 €/kg pour les miels de grandes cultures d'un producteur qui vend en vrac et entre 15 et 20 euros pour les grands « crus », souvent vendus au détail. « Il ne s’agit pas d’éradiquer l’importation car on en a besoin comme variable d’ajustement lors des années de faible rendement. Seulement, il ne faut pas que ce soit aux dépens de la pollinisation et de la survie de la filière apicole et de celle des fruits et légumes », tempère Caroline Montexier, apicultrice dans les Pyrénées-Orientales et membre de la commission apicole de la Confédération paysanne.
Ce prix permettrait au passage de pousser les pays exportateurs à améliorer leurs pratiques sociales et environnementales et de lutter contre les miels « frelatés » ne respectant parfois pas la légistlation européenne.
« 95 % de ma production est invendue »
Manuel Roger, apiculteur dans le Centre-Val de Loire, fait partie des apiculteurs « asphyxiés ». Cette année, il ne parvient pas à écouler sa production de miel et 60 tonnes sur les 65 tonnes récoltées lui restent sur les bras. « Les Français consomment en moyenne 45 000 tonnes de miel par an et nous en produisons près de 20 000 tonnes.
Quand vous savez qu’on importe 35 000 tonnes de miel venu de l’étranger et qu’on ne nous achète plus notre production, on voit bien qu’il y a un problème ! », s’indigne-t-il. « Si dans six mois la situation n’a pas évolué et que je n’ai pas trouvé de financement, tout sera fini pour moi. »
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