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Pollinis vent debout contre les insecticides à ARNi

Une pétition demande, entre autres, l’application du principe de précaution et un moratoire immédiat sur les essais et demandes d’autorisation d’ARNi en cours. Lancée il y a un mois environ, elle a déjà obtenu plus de 50 000 signatures.

Selon Pollinis, les ARNi, ces « insecticides » en passe d’être autorisés, provoqueraient la mort des insectes ciblés, mais aussi celle de dizaines d’autres d’espèces de pollinisateurs.

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Pollinis, qui se décrit comme une ONG agissant pour la protection des abeilles domestiques et sauvages et pour une agriculture qui respecte tous les pollinisateurs, publie ce mardi 20 juin 2023 un rapport sur les phytos ARNi (acide ribonucléique interférent). « Alors que l’Union européenne élabore plusieurs législations décisives pour l’avenir de son modèle agricole (réduction de l’usage des pesticides chimiques, utilisation des nouvelles technologies d’édition du génome en agriculture…), les firmes de l’agrochimie préparent la mise sur le marché des nouveaux produits censés se substituer aux pesticides chimiques », juge-t-elle.

Des victimes collatérales possibles

Dans son rapport, Pollinis documente de potentiels effets « catastrophiques » de ces nouveaux produits pour les abeilles et les insectes pollinisateurs. « Conçus pour bloquer l’expression de certains gènes et inhiber les fonctions vitales qui leur sont associées chez les insectes ravageurs de culture, les ARNi pourraient éliminer indistinctement de nombreux insectes pollinisateurs et précipiter leur déclin tout aussi efficacement que les pesticides chimiques qu’ils sont censés remplacer, s’inquiète l’ONG. Selon l’analyse bio-informatique effectuée qui compare les séquences de gènes visées chez les insectes ravageurs, avec celles d’espèces non ciblées, sur un panel de 26 pesticides ARNi en cours de développement, plus de la moitié pourrait avoir des effets mortels sur 136 espèces de pollinisateurs. »

Bientôt employés en Europe ?

Parmi les victimes potentielles figureraient l’abeille à miel européenne (Apis mellifera), le Monarque migrateur (Danaus plexippus plexippus) et le papillon Belle Dame (Vanessa cardui), le grand bombyle (Bombylius major) ou encore le bourdon à tache rousse (Bombus affinis, en danger critique d’extinction). « En dépit des risques déjà documentés par la science indépendante, et des mises en garde des scientifiques quant à la nécessité d’évaluer les risques que ces pesticides génétiques pourraient poser pour les pollinisateurs et la biodiversité, ces derniers pourraient être utilisés dans les champs européens dans un futur proche », rapporte Pollinis.

Alors que le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) est encore entre les mains du Parlement européen, Pollinis déplore que plusieurs amendements aient été déposés par des eurodéputés. Des textes qui lieraient les solutions issues des nouvelles techniques génomiques, dont font partie les ARNi, ou les produits à faible risque, à la notion d’alternative aux pesticides chimiques.

L’ONG informe par ailleurs que GreenLight Biosciences, entreprise nord-américaine de biotechnologie, se profile comme un acteur majeur du marché des pesticides ARNi. « Son spray génétique à base de ledprona, une substance ARNi agissant contre le doryphore de la pomme de terre, devrait être autorisé cette année aux États-Unis. Il a aussi été testé en plein champ en Europe, et notamment en France », confie Pollinis. Or, d’après les analyses, ce produit pourrait avoir des effets hors cible sur au moins 3 espèces d’abeilles solitaires (Stelis phaeoptera, Mimumesa dahlbomi, Coelioxys conoideus), ainsi que sur le Bourdon des prés (Bombus pratorum), avance l’ONG.

Principe de précaution

C’est pourquoi Pollinis demande :

Un courrier à Matignon

Pollinis rappelle enfin que des solutions éprouvées et moins risquées pour protéger les cultures existent déjà. Elle appelle à une transition agroécologique urgente, indispensable pour protéger les pollinisateurs et le vivant. Une demande appuyée par Christophe Clergeau, député européen, qui a écrit à la Première ministre pour dénoncer les carences dans le suivi de tests en plein champ réalisés en France. « Interrogée par Pollinis, l’Anses — l’autorité sanitaire française — a répondu ne pas avoir pu évaluer ces essais en plein champ dans la mesure où ils ont été conduits grâce à une dérogation aux permis d’expérimentation pour les produits phytosanitaires, procédure relevant du ministère de l’Agriculture », rappelle-t-il.

« Or, si le code rural prévoit bien la possibilité d’octroyer des dérogations aux permis d’expérimentation à l’article R253-32, l’article suivant R253-33 précise qu’en cas d’expérimentation comportant la dissémination volontaire dans l’environnement de produits phytopharmaceutiques composés en tout ou partie d’organismes génétiquement modifiés, le permis d’expérimentation doit être délivré par le directeur général de l’Anses après l’accord du ministre chargé de l’Environnement », ajoute le député européen. L’élu s’interroge donc sur la validité de la dérogation aux permis d’expérimentation octroyée par le ministère de l’Agriculture et estime qu’il est pour le moins troublant que l’Anses n’y ait même pas été associée. « J’ose espérer que l’on ne s’est pas contenté de signer un chèque en blanc à cette entreprise », a même déclaré Christophe Clergeau.

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