Feu vert du Conseil de l'Union européenne pour les NBT
Les pays de l’Union européenne ont adopté le 14 mars 2025 leur position concernant la future réglementation qui encadrera les nouvelles techniques de sélection génomique (NBT ou NTG). Une étape saluée par de nombreux acteurs du monde agricole, mais décriée par certaines associations.
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Le vendredi 14 mars 2025, les représentants des 27 pays membres de l’Union européenne ont approuvé, avec quelques modifications, une proposition de la Commission européenne visant à autoriser une utilisation plus large des variétés végétales obtenues grâce au recours aux nouvelles techniques génomiques (NTG ou NBT en anglais). Cette dernière aurait toutefois été adoptée de justesse, selon des diplomates.
« La proposition vise à stimuler l’innovation et la durabilité dans le secteur agroalimentaire, tout en contribuant à la sécurité alimentaire et en réduisant la dépendance (aux facteurs) extérieurs », a déclaré le Conseil de l’Union européenne dans un communiqué.
Deux voies de mise sur le marché
Deux voies distinctes sont créées pour la mise sur le marché des plantes issues de ces nouvelles techniques génomiques :
- La catégorie 1 viserait les plantes issues de NTG qui pourraient être produites naturellement ou par des méthodes de sélection conventionnelles. Elles seraient exemptées des règles actuellement définies dans la législation sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et ne seraient pas étiquetées. Toutefois, les semences produites par ces techniques devraient être étiquetées.
- La catégorie 2 concernerait toutes les autres plantes NTG sur lesquelles les règles de la législation sur les OGM s’appliqueraient (notamment une évaluation des risques et une autorisation avant leur mise sur le marché). Ils seraient étiquetés comme tels.
En outre, la proposition exclut l’utilisation des NTG en production biologique.
Amendements
Les États membres se sont aussi mis d’accord sur le fond de la proposition, en adoptant des amendements. Ces derniers autorisent les États membres à interdire la culture de végétaux NTG de la catégorie 2 sur leur territoire, et prévoient la création d’un groupe d’experts chargés d’évaluer l’impact des brevets.
Rappelons qu’un assouplissement des règlementations relatives aux OGM en faveur des NTG avait été proposé en 2023 par la Commission européenne. En 2024, le texte avait été approuvé par le Parlement européen, qui a voté en faveur de la création de deux catégories de végétaux NTG.
Le Conseil de l’Union européenne devra à présent mener des négociations sur le texte final avec le Parlement européen, les aspects les plus problématiques étant l’étiquetage des produits et les brevets sur les végétaux NTG.
Salué par la profession agricole
La Commission a fait valoir que les NTG pourraient permettre d’obtenir des variétés qui nécessitent moins de pesticides, moins gourmandes en eau et mieux adaptées au changement climatique. Les partisans des NTG arguent que certaines d’entre elles ne font qu’accélérer les transformations génétiques qui auraient pu survenir naturellement ou par le moyen de croisements pratiqués traditionnellement dans l’agriculture.
L’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) et son partenaire allemand, le WGG, considèrent par ailleurs dans un communiqué diffusé le 14 mars que ce vote constitue « une première étape majeure dans le processus complexe devant aboutir à une réglementation européenne sur les NTG claire et opérationnelle ». Le Copa et la Cogeca saluent de leur côté cette initiative, qui « pourrait revitaliser la production européenne de semences et offrir de nouvelles opportunités aux agriculteurs et aux coopératives ».
Dans un communiqué du 17 mars 2025, les membres du Collectif pour l’innovation variétale (1) espèrent désormais « un dialogue constructif entre les trois instances européennes dans les prochains mois afin de proposer un projet de règlement rapidement. » Il souhaite que « le dispositif finalisé respecte la philosophie de la Commission européenne visant à considérer les plantes NTG1 comme des plantes conventionnelles ».
« En effet, l’Agence européenne de la sécurité des aliments (Efsa) a accompagné depuis le début la réflexion de la Commission européenne pour ce projet de texte. En cohérence avec son avis de 2022, il est donc logique de ne pas stigmatiser ces plantes par rapport aux autres et de ne leur imposer ni traçabilité ni obligation d’étiquetage tout au long de la chaîne jusqu’au produit final », considère le collectif.
Questionnements sur la brevetabilité
Le Conseil européen des jeunes agriculteurs (Ceja) « salue cette avancée importante vers l’utilisation des NTG par les agriculteurs de l’Union européenne ». Il complète : « Après une longue impasse depuis la proposition de la Commission européenne du 5 juillet 2023, […] la présidence polonaise a réussi à proposer une approche équilibrée, sur laquelle de nouveaux arbitrages seront toutefois nécessaires lors des trilogues, notamment sur la brevetabilité, les dérogations et la traçabilité. » « Concernant les brevets, il est crucial de garantir que toute variété obtenue par modification génomique et issue de la sélection traditionnelle (Catégorie 1) reste non brevetable », précise-t-il.
Regroupés au sein de la CNDSF (Coordination nationale pour la défense des semences fermières), le Syndicat des trieurs à façon français (Staff), la Coordination rurale, la Confédération paysanne et le Modef s’étaient d’ailleurs inquiétés à la fin de février 2025, à l’occasion d’une conférence au Salon de l’agriculture, du texte proposé par la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne, qui n’était alors pas encore adopté.
Ils craignent notamment que la brevetabilité des traits modifiés permise par le texte du Conseil remette en cause « le droit fondamental et millénaire des paysans à ressemer leur propre semence ». Le Parlement européen, qui avait déjà adopté sa position finale en avril 2024, a fait le choix de l’interdire.
Critiquée par les ONG
La position du Conseil a été critiquée par des organisations de défense de l’environnement, selon lesquelles une déréglementation favoriserait les grosses entreprises semencières en ignorant les dangers potentiels pour l’environnement. « Les gouvernements de l’Union européenne ont voté en faveur des profits d’une poignée de grosses entreprises, au lieu de protéger le droit des agriculteurs et des consommateurs à la transparence et à la sécurité », a déclaré Mute Schimpf, de l’ONG Les Amis de la Terre Europe.
« Le gouvernement français a aujourd’hui choisi d’ignorer les alertes répétées de la société civile, des agriculteurs, et de scientifiques dont celles et ceux de son agence sanitaire. Son vote acte pleinement sa responsabilité dans la mise à mal de l’agriculture française et européenne et de la biodiversité, ainsi que dans le renforcement de l’emprise de quelques multinationales sur notre système agricole et alimentaire », dénonce pour sa part Charlotte Labauge, chargée de campagnes à Pollinis.
(1) Constitué en 2019, ce collectif regroupe de nombreuses organisations représentatives des agriculteurs et des filières agricoles et agroalimentaires qui souhaitent valoriser l’intérêt de la sélection variétale pour répondre aux enjeux du changement climatique et de souveraineté alimentaire parmi lesquels : AGPB, AIBS, AGPM, CGB, Anamso, Fnams, Fedepom, etc.
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