Le Sénat vote une proposition de loi pour « améliorer l’accès aux soins dans les territoires »
Le Sénat a adopté le 13 mai 2025 une proposition de loi concurrente de celle adoptée par les députés la semaine dernière. Le texte de la droite sénatoriale a le soutien du gouvernement, notamment sur la question de la régulation de l’installation des médecins.
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Si les déserts médiaux sont au cœur de l’actualité politique ces derniers jours, pour de nombreux Français ils représentent une source de préoccupation majeure depuis des années, en particulier en milieu rural. Huit millions de Français se situent en zone sous-dotée en médecins et six millions sont sans médecin traitant, faute de pouvoir en trouver un aujourd’hui.
La désertification médicale est aussi vécue comme une injustice. Car le manque global de médecins est accentué par des inégalités dans l’accès aux soins qui ne cessent de se creuser entre territoires ces dernières années.
Conditions à l’installation des médecins
Sur l’étendue du problème et les enjeux pour la population, il n’y a aucun débat entre élus, tous partis confondus. Le député socialiste Guillaume Garot a notamment pris le sujet à bras-le-corps depuis 2022 pour porter la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, adoptée par l’Assemblée nationale le 7 mai 2025. Les sénateurs se sont également investis dans un texte de vingt articles, porté par le sénateur Philippe Mouiller (Les Républicains). Et après de longues heures de débat au Sénat, cette proposition de loi a été adoptée à une large majorité, à 190 voix pour et 29 contre, mardi 13 mai en soirée.
D’un point de vue législatif, tout semble donc avancer. À ceci près que ces deux propositions de loi sont en quelque sorte concurrentes, notamment sur la question de la régulation de l’installation des médecins.
Le texte des députés acterait le principe d’une installation pour un départ dans les zones les mieux dotées, comme pour d’autres professions de santé (pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes…). Jugée trop coercitive par le gouvernement et par de nombreux médecins, la proposition de loi Garot s’attaque au « tabou » de la liberté totale d’installation des médecins.
Le texte adopté au Sénat conditionne lui aussi l’installation des médecins mais de façon moins contraignante. Pour les médecins spécialistes, les sénateurs proposent que l’installation dans un territoire bien doté soit conditionnée à un départ de médecin de la même spécialité. Ils y ajoutent une possibilité de dérogation pour les professionnels s’engageant à exercer à temps partiel dans une zone en déficit de soignants.
« Mission de solidarité nationale obligatoire »
Les sénateurs ont par ailleurs intégré à leur texte un amendement proposé par le gouvernement et dont le contenu est issu du pacte présenté à la fin d'avril par François Bayrou pour lutter contre les déserts médicaux. Sans surprise, les sénateurs et le gouvernement se sont donc accordés mardi soir sur cette proposition de loi. « Le Sénat a son indépendance mais nous essayons de travailler au mieux pour avancer sur ces sujets », a commenté le porteur de la proposition de loi, Philippe Mouiller.
La mesure phare du plan gouvernemental introduit une « mission de solidarité nationale obligatoire ». Tout médecin qui s’installerait dans une zone bien pourvue s’engagerait à effectuer deux jours de consultation par mois dans les territoires ciblés comme prioritaires.
Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a quant à lui salué le travail réalisé pour bâtir « un pacte collectif et solidaire ». L’objectif est de « pouvoir mieux répartir les médecins » sans pour autant selon lui décourager les praticiens, notamment les jeunes.
Parmi la vingtaine de mesures adoptées par le Sénat au total, une des dispositions concerne aussi les médecins diplômés hors de l'Union européenne dont le parcours préalable à l'exercice sera facilité et qui seront orientés prioritairement vers les zones sous-dotées.
Insuffisant pour les sénateurs de la gauche
Les sénateurs de gauche, et même quelques centristes, se sont opposés à la proposition de loi dont ils jugent les mesures trop timides et aux contours flous. Ils sont entre autres défiants vis-à-vis des risques de financiarisation, les sénateurs ayant adopté le principe d’une rémunération forfaitaire incitative des médecins pour assurer la mission de solidarité nationale.
Les modalités pratiques de l’exercice à temps partiel des médecins dans les zones sous-dotées posent aussi question : sur quel périmètre, quelle fréquence, pour quel suivi des patients… ? Les amendements que les sénateurs de gauche ont proposés pour approcher ce texte de la proposition de loi Garot ont tous été rejetés.
Les deux propositions de loi, l’une issue de la droite sénatoriale, l’autre d’un groupe transpartisan de députés, doivent maintenant poursuivre chacune leur parcours législatif. Le texte du Sénat pour « améliorer l’accès aux soins dans les territoires » bénéficie pour sa part d’une « procédure accélérée » qui a été activée par le gouvernement.
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