Quel remède aux déserts médicaux ? À l’occasion d’un déplacement dans le Cantal ce vendredi 25 avril 2025, François Bayrou a préconisé d’imposer jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation aux médecins dans les zones prioritaires du territoire. « Chaque médecin généraliste ou spécialiste qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont les plus en difficulté », a-t-il annoncé. 

Pour présenter son « pacte de lutte contre les déserts médicaux », François Bayrou a choisi Puycapel, une petite commune rurale à une quarantaine de kilomètres d’Aurillac, dans le Cantal. Ce département est passé de 160,6 médecins généralistes pour 100 000 habitants en 2010 à 139,4 en 2025, selon l’Ordre des médecins.

Jusqu’à 30 millions de consultations réorientées

Près de 30 millions de consultations par an seraient ainsi réorientées là où il y en a besoin. Cette mesure concernerait tous les médecins, qui pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal. « Il y aura des contreparties financières », « a contrario, les médecins qui refuseraient se verront pénalisés », a précisé une source gouvernementale.

En 2024, 6 millions de Français n’avaient pas de médecin traitant. « Les déserts médicaux sont à notre avis, le symptôme le plus grave de la fracture que nous avons laissée se créer au travers du temps sur notre territoire, constate François Bayrou. Des pathologies qui pourraient être traitées rapidement, perdurent ou s’aggravent, faute d’avoir été soignées à temps. » En 2024, 35 % des sondés par l’UFC-Que Choisir ont « renoncé à des soins faute de rendez-vous », contre 27 % en 2023.

Former des futurs médecins au plus près de leur territoire

Outre la mesure phare des deux jours par mois, le plan présenté par le Premier ministre comprend trois autres axes. Le premier traite de la formation, afin de « permettre aux plus de jeunes possible d’accéder aux études de santé, au plus près de leur territoire », de « recruter dans les territoires ruraux ou moins favorisés », déroule une source gouvernementale.

De fait, un nouveau médecin s’installe plus volontiers dans son territoire d’origine : 50 % des médecins généralistes formés exercent à moins de 85 km de leur lieu de naissance, et une installation sur deux est située à moins de 43 km de l’université d’internat.

Une cartographie des « zones rouges »

Le gouvernement veut par ailleurs confier de nouveaux actes aux autres professionnels de santé. Un patient souffrant de rhinite allergique saisonnière pourrait ainsi se rendre en pharmacie pour recevoir son traitement avec une ordonnance échue.

Par ailleurs, l’exécutif souhaite, dans le délai d’un mois, une cartographie des zones particulièrement prioritaires, dites « zones rouges ». Ce travail va être confié aux agences régionales de santé (ARS), « en lien étroit avec les préfets et les élus locaux », afin de « définir département par département les zones les plus prioritaires » pour l’application de ce plan.

Le corps médical peu séduit par la proposition

Face à l’idée de se voir imposer des jours de consultations dans les zones prioritaires, les syndicats de médecins ne sont pas emballés. « Il ne faut pas que ce soit l’idée de contrainte, d’obligation, regrette auprès de l’AFP Agnès Giannotti, présidente de Médecins généralistes (MG France, majoritaire chez les libéraux). On fait au quotidien vraiment le maximum de ce qu’on peut faire pour soigner les gens. Il faut nous protéger, il faut nous aider, il ne faut pas nous contraindre et nous menacer. »

Patricia Lefébure, présidente de la Fédération des médecins de France (Fmf), rappelle que son organisation « proposait déjà ce principe de solidarité il y a 10-15 ans. C’était quand il y avait encore pas mal de médecins. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de médecin, c’est un peu tardif. »

Ce principe de solidarité du corps médical est aussi présenté par l’exécutif comme une alternative à la « fin de la liberté d’installation » des médecins, mesure induite dans une proposition de loi transpartisane dont l’article phare a été adopté contre l’avis du gouvernement au début d'avril par l’Assemblée nationale. L’examen de la suite du texte est prévu pour le début de mai. Ce dernier provoque la colère des médecins libéraux, étudiants en médecine, internes et jeunes médecins. Dans la mesure où ce projet de loi n’est pas retiré, les appels à la grève dès le 28 avril et à manifester partout en France le 29 avril sont maintenus.