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« Des pluies plus intenses avec le changement climatique »

« Ce qui est inhabituel et très marqué cette année, c’est d’avoir des sols aussi humides, voire saturés par endroits, en fin d’été et au début d’automne », estime Simon Mittelberger, météorologue chez Météo-France.

La France a connu plusieurs épisodes de précipitations importantes en octobre, tombées sur des sols déjà particulièrement humides. Le point avec Simon Mittelberger, météorologue chez Météo-France.

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Les intempéries sont particulièrement marquées cette année : en quoi ces épisodes sont-ils exceptionnels ?

« Cette année est très excédentaire en termes de précipitations. On a connu le quatrième printemps le plus arrosé jamais enregistré en moyenne sur la France. L’été a été un peu plus modéré, mais les précipitations ont repris en septembre, qui a été le plus pluvieux depuis 1999, et se sont prolongées en octobre.

La tempête Kirk, qui a principalement touché un gros quart nord-ouest de l’Hexagone, a été assez inhabituelle pour la saison. Cela se produit plutôt habituellement durant décembre, janvier, voire février. Il est tombé en une seule journée l’équivalent d’un mois de précipitations normales en octobre, soit environ 70-80 mm.

Le cumul de précipitation entre le début de septembre et la mi-octobre est largement excédentaire dans de nombreuses zones.

Ce n’est pas inhabituel d’avoir de nombreux passages pluvieux qui démarrent avec l’automne, mais ce qui est inhabituel et très marqué cette année, c’est d’avoir des sols aussi humides, voire saturés par endroits, en fin d’été et au début d’automne. Cela résulte des pluies tombées durant le mois de septembre, rend l’infiltration difficile et ralentit les décrues lors d’inondations. D’ordinaire, les premières perturbations qui arrivent avec la saison automnale donnent des précipitations qui s’infiltrent relativement facilement dans les sols. Les conséquences de ces épisodes sont par conséquent plus importantes.

En termes de fréquence, les épisodes méditerranéens actuels ne sortent pas de l’ordinaire. On en observe généralement entre 3 et 7 par an. En revanche, ce qui contraste cette année, c’est que l’on en a eu aucun en 2022 et très peu en 2023. Et en 2024, ils se succèdent et sont très intenses. On a approché les 700 mm en 60 heures en Ardèche, l’équivalent de deux mois de pluie sur cette période. Ce sont des valeurs jamais observées sur ce département.

Quel est le lien entre ces épisodes et le changement climatique ?

« Il n’y a pas de lien très fort entre le changement climatique et la fréquence des épisodes pluvieux. Ceux-ci se forment avec des conditions particulières qui ne montrent pas de recrudescence.

En revanche, le réchauffement climatique rend ces épisodes plus intenses, notamment en raison d’une atmosphère plus chaude, qui contient plus de vapeur d’eau. Lorsque l’atmosphère se réchauffe de 1°C, elle peut contenir 7 % de vapeur d’eau en plus.

Simon Mittelberger est météorologue chez Météo-France. (©  Météo-France)

Par ailleurs, la température de l’océan et de la mer Méditerranée est à la hausse : ces masses d’eau peuvent ainsi apporter plus de vapeur d’eau et rendre les épisodes encore plus intenses. Une mer Méditerranée plus chaude ne va pas déclencher un épisode, mais va le renforcer. Entre les années 1960 et aujourd’hui, nous avons constaté une hausse de l’intensité des épisodes méditerranéens de l’ordre de 10 à 20 %.

On ne s’attend pas à une évolution marquée du cumul annuel, mais à une hausse lors de la saison hivernale, et ce pour tous les épisodes pluvieux. L’automne 2022 illustre bien ce phénomène : il y a eu une recrudescence de toutes les perturbations qui ont balayé le nord de la France, et qui ont causé des inondations importantes. L’océan Atlantique était particulièrement chaud pour la saison. »

A-t-on déjà des projections pour la suite de la campagne ?

« Malheureusement, pour les trois mois à venir, novembre-décembre-janvier, il n’y a pas de scénario majoritaire qui se dégage : on ne sait pas si on va vers un hiver plutôt déficitaire ou excédentaire.

Ce n’est pas inhabituel de ne pas avoir de signal marqué. De manière générale, l’Europe de l’Ouest est une zone où on a peu de prévisibilité par rapport à d’autres régions du globe. Mais si on revient à 2023, on avait déjà un signal humide à la fin de l’été pour l’automne qui allait venir. »

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