Le scénario très arrosé de la campagne de 2023-2024 semble se répéter. Il a même débuté plus tôt que l’an dernier avec un mois de septembre et un début d’octobre marqués par des précipitations excédentaires sur une grande partie du territoire. « Septembre 2024 devient le mois de septembre le plus arrosé depuis 25 ans », rapporte Météo-France.

Ces pluies incessantes retardent déjà les chantiers de récoltes d’automne de cultures déjà impactées ce printemps par des semis souvent tardifs. Nombre de parcelles de tournesol, dont certaines versées, attendent ainsi pour être moissonnées. Dans certaines situations, les maladies (botrytis, sclérotinia) s’installent sur les capitules qui pourrissent et les graines parfois germent. Il y a un fort risque d’avoir un niveau élevé d’impuretés. Dans d’autres cas, la culture pourrait ne jamais atteindre la maturité et ne pas être récoltée. Terres Inovia insiste : « Il devient urgent de récolter dès la première opportunité climatique. Espérer atteindre la norme [d’humidité] est illusoire. » Toutefois, faut-il encore pouvoir rentrer dans les parcelles !

Près d’un tiers des arrachages de betteraves aurait eu lieu. Ils aboutissent pour le moment à des rendements moyens et une richesse en sucre plutôt basse. « Là où il a beaucoup plu, les chantiers ont pu être stoppés avec une certaine tension pour garantir l’approvisionnement des usines », fait savoir la CGB. « Avec environ 70 % des arrachages de pommes de terre réalisés au niveau national, nous sommes inquiets sur la capacité à sortir les derniers tubercules s’il continue de pleuvoir », ajoute l’UNPT. Elle constate pour le moment une qualité satisfaisante mais un rendement là aussi moyen.

Risques de mycotoxines

Selon FranceAgriMer, au 7 octobre, seuls 6 % des maïs avaient pu être récoltés, contre 44 % en 2023 et 40 % pour la moyenne de 2019 à 2023. Agreste « grandes cultures » estime par ailleurs au 15 octobre qu’avec un rendement en baisse (89,8 q/ha) comparativement à 2023, la production pourrait atteindre 14,5 millions de tonnes (Mt) du fait de la hausse de la sole.

Sur le terrain, les premiers échos semblent plutôt bons, voire très bons avec des maïs en sec qui s’en sortent mieux que l’an passé. Mais les excès d’eau pourraient faire décrocher les résultats. Ces conditions climatiques alliées aux fortes pressions d'insectes foreurs demeurent par ailleurs des facteurs favorables aux mycotoxines, sujet qui inquiète les organismes stockeurs. Or, dans plusieurs régions, leur présence est déjà remarquée sans pour autant être catastrophique pour le moment. « Plus les récoltes sont retardées, plus il y a de risques », rappelle toutefois un opérateur en Auvergne. Même s’il est d’usage d’attendre pour économiser des frais de séchage, Arvalis juge donc que : « Compte tenu du climat de cet automne, il est préférable de ne pas chercher à atteindre à tout prix le taux de 32 % d’humidité du grain pour préserver la qualité de la récolte. »

Incidences sur les semis

Reste que pour les agriculteurs, déjà impactés par de mauvaises récoltes de céréales à paille (en quantité, comme en qualité) et qui attendaient beaucoup de ces moissons, ces rendements parfois moindres associés à des frais de séchage élevés : c’est la double peine. Beaucoup attendent en effet de reprendre les parcelles afin d’implanter leurs céréales. Les semis de blé tendre comme d’orges d’hiver étaient respectivement réalisés pour 6 % et 12 % des surfaces au 7 octobre, soit plus de retard que l’an passé à date.

Avec des problèmes de portance, « certaines céréales d’hiver pourraient ne pas être implantées pour la seconde année », estime un conseiller des Pays de la Loire. Et un opérateur de la Lorraine d’ajouter : « Chez nous, après le 15 octobre, c’est compliqué pour les orges et les exploitants hésitent déjà à les remplacer par du blé, voire une culture de printemps. »

Une pression des limaces exceptionnellement forte est aussi à noter avec, dans ces conditions, une rupture de stock en molluscicides dans certaines régions, et des réapprovisionnements prévus pas avant à la fin de décembre. « Les conditions ne seront probablement pas toujours optimales et il faudra donc réajuster les densités de semis », signale par ailleurs la chambre d’agriculture de l’Oise qui ajoute que l’on pourra « se consoler avec des avantages agronomiques intéressants » de ces retards de semis.