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L’interview : « L’IA ne va pas remplacer l’expertise de l’agriculteur »

Herinaina Andriamandroso est enseignant-chercheur à l’école d’ingénieurs Junia à Lille, spécialisé dans les innovations technologiques en agriculture.

Herinaina Andriamandroso est enseignant-chercheur à l’école d’ingénieurs Junia à Lille, spécialisé dans les innovations technologiques en agriculture. Il estime que l’intelligence artificielle (IA) peut être une alliée des producteurs, à condition d’en avoir la maîtrise.

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En quoi l’intelligence artificielle (IA) bouleverse-t-elle l’agriculture ?

C’est une histoire qui se répète : l’agriculture a toujours bénéficié des technologies développées à l’origine pour le grand public, comme le GPS, les capteurs, etc. Mais avec l’intelligence artificielle, tout s’accélère. Ses progrès ont franchi des étapes beaucoup plus rapidement que d’autres innovations. Le vrai bouleversement réside en notre capacité à exploiter l’immense quantité de données collectées depuis l’apparition des capteurs, à les transformer et à les utiliser pour des objectifs communs comme une meilleure utilisation des ressources en eau, la limitation du changement climatique… Pour aller vite, il faut recourir à l’IA et à ses potentiels analytiques, dont l’intelligence artificielle (IA) prédictive.

À quoi peut-elle concrètement servir ?

L’IA a une capacité unique à apprendre et analyser une masse importante d’images et de données (climatiques, pédologiques, variétales…). Elle ouvre donc la voie à beaucoup d’applications. Parmi elles, la prévision des événements météorologiques extrêmes, que les modèles actuels ont encore du mal à appréhender. Plusieurs grands groupes, par exemple Google, s’y intéressent actuellement. L’imagerie et l’IA sont aussi mises à contribution pour détecter des traits présymptomatiques de maladies comme la septoriose du blé. L’objectif est de mieux les anticiper. Nous lançons un projet (1) cet automne sur ce sujet.

Aujourd’hui, les modèles reposent sur des données météo et sur l’observation de symptômes visibles, or quand ces derniers apparaissent, il est parfois trop tard. En intégrant l’IA, on gagne en capacité prédictive et en rapidité d’analyse, car elle est capable d’apprendre à partir d’un grand nombre d’images en même temps, et mobilise une puissance de calcul énorme. Autre exemple : dans le cadre de France 2030, l’application de reconnaissance des espèces PlantNet mène un projet afin d’aboutir à la détection de maladies.

Et en élevage ?

L’IA peut avoir des applications en élevage, à titre d’exemple, le logiciel AIHerd valorise les images des caméras installées dans les bâtiments pour détecter des changements de comportement liés à des maladies, responsables d’une baisse de production, ou à des chaleurs. Des fermes pilotes testent cet outil. Par ailleurs, grâce aux données recueillies dans le cadre du contrôle laitier, il pourrait être possible d’anticiper les infections, d’identifier à quel moment une vache doit arrêter de produire, pour ne pas nuire à son bien-être notamment.

Faut-il craindre l’IA ?

Certains agriculteurs peuvent avoir une crainte légitime : celle de perdre la maîtrise de leur activité et de se voir imposer un cadre rigide. Mais l’IA n’est qu’un outil parmi d’autres, au même titre que les OAD actuels, et doit être considérée comme un allié. Elle ne remplacera pas l’agronomie ni l’expertise de l’agriculteur, qui restera maître de ses choix. L’enjeu est d’être capable de discerner les connaissances apportées par l’IA des décisions qui relèveront toujours des producteurs. Ce sont les données des agriculteurs qui nourrissent l’IA.

Mais avant de chercher à exploiter cette technologie, il faut comprendre son fonctionnement. Il sera ensuite plus facile d’imaginer comment elle peut s’intégrer dans le quotidien des fermes et être un atout. Le bémol : l’IA fonctionne parfois de manière opaque, comme une boîte noire, avec une construction des modèles encore inconnue. Contrairement aux modèles existants dont on peut analyser les mécanismes.

(1) Projet mené en partenariat avec des chercheurs flamands et wallons, dans le cadre du programme Interreg Flandre Wallonie Vlaanderen/Biocontrol 4.0/Trans-e-bio.

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