Pourquoi il est plus difficile de financer son exploitation agricole
Une étude pointe plusieurs freins au financement actuel des exploitations agricoles. Le niveau de rentabilité n’est notamment pas en phase avec les risques auxquels elles doivent faire face.
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Le secteur bancaire est le premier financeur externe des exploitations agricoles. L’encours bancaire pour le secteur de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche est passé de 46,7 milliards d’euros à 63,9 milliards d’euros entre 2015 et 2023, selon une étude réalisée par les bureaux Soliance Alimentaire, Canopée Consulting, Olivier Frey EI pour le ministère de l’Agriculture en avril 2024. Mais pourquoi devient-il de plus en plus difficile de trouver des financements pour les exploitations agricoles ? Les auteurs de l’étude publiée le 14 juin 2024, listent plusieurs facteurs.
Parmi eux, le fait que les besoins en matériel sont de plus en plus importants pour réduire la charge de travail, ce qui « nécessite des montants d’investissements financiers de plus en plus élevés que des bilans “traditionnels” ont du mal à porter ». Le rapport pointe les faibles marges des exploitations agricoles et leur sensibilité aux aléas comme un frein au financement. Les acteurs bancaires, dont certains ne sont pas familiers de l’agriculture, mettent en avant un risque élevé « incompatible avec le modèle économique agricole », selon les auteurs de l’étude.
Le poids des subventions
Le document attire aussi l’attention sur le fait que les subventions de la Pac viennent « artificialiser la lecture de la rentabilité » des exploitations selon le point de vue des acteurs financiers. « Il s’agit d’un produit d’exploitation qui n’est pas directement issu de la valeur créée par l’activité », ajoutent les auteurs. Le fait que les subventions représentent une forte part du produit pour certaines structures représente un risque. Elles peuvent « représenter 30 à 60 % du revenu des agriculteurs, voire 80 % dans certaines zones ».
À l’inverse les subventions d’investissement « permettent de renforcer l’apport des agriculteurs ». Mais un opérateur bancaire interrogé souligne que l’avance de fonds que la banque doit réaliser, dans l’attente du paiement de la subvention, est « un risque supplémentaire ».
Des fonds propres
Les auteurs notent également que le poids de la dette bancaire « devient plus difficile à gérer dans un contexte de volatilité accrue ». Par ailleurs ils soulignent que le financement de l’exploitation agricole, comme toutes les TPE (très petites entreprises), s’appuie jusqu’à présent principalement sur les capitaux propres apportés par le chef d’exploitation et de la dette bancaire.
Ils regrettent que les règles juridiques qui encadrent les sociétés agricoles « constituent aujourd’hui un frein à l’entrée de ressources extérieures pour renforcer les fonds propres ». Un constat également dressé par l’association Gaec et Sociétés, lors de sa dernière assemblée générale en juin 2024.
Adapter les sociétés civiles agricoles
En effet, « le statut des Gaec impose que le capital d’exploitation soit détenu par les exploitants et ne permet pas l’entrée de capitaux extérieurs à l’exception de crédits bancaires, prêts d’investisseurs dans le cadre de fonds de dette et crédits issus du financement participatif dans la limite de 1 million d’euros ». Ainsi ce statut ferme la possibilité d’élargir l’actionnariat à des détenteurs d’actions non exploitants. L’EARL, quant à elle, ouvre la possibilité que des non-exploitants, personnes physiques, prennent part au capital dans la limite de 50 % au maximum et seule la SCEA ouvre son capital à des personnes morales. Les auteurs rappellent toutefois que « les agriculteurs peuvent opter pour une société commerciale et recourir à des montages sociétaires ».
Attention au niveau des comptes courants
L’étude met également en exergue les difficultés rencontrées par le repreneur lorsque le niveau des comptes courants d’associés est « trop élevé ». Lorsqu’un associé transmet ou vend ses parts, le repreneur ou la société doit aussi lui rembourser le montant de son compte courant. « Cela peut notamment avoir des conséquences sur la capacité de remboursement du repreneur », alertent les auteurs.
Face à ces constats les auteurs de l’étude mettent notamment en avant de nouveaux outils de financement, comme les paiements pour services environnementaux (PSE) ou les crédits carbone pour financer la transition agroécologique des exploitations. Ils estiment aussi que les prêts d’honneur sont un bon levier à l’obtention de financements lors d’une installation car ils « crédibilisent le projet de création ou de reprise d’entreprise ».
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