Les importations de beurre rendent la France vulnérable
Loin de l’autosuffisance en matière grasse laitière, la France doit répondre à des enjeux d’augmentation du taux butyreux dans le lait pour pallier sa dépendance aux importations, qui coûte très cher.
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« Malgré la détente actuelle des cours de la matière grasse laitière, il faut s’attendre à un manque structurel sur le long terme en France et en Europe », a expliqué Corentin Puvilland, économiste à l’interprofession laitière (Cniel). Il intervenait lors d’une conférence de presse organisée au Sommet de l’élevage le jeudi 9 octobre 2025.
La France autosuffisante à 95 %
L’Hexagone n’est plus autosuffisant depuis 2017, la consommation prenant le pas sur la production de matière grasse laitière. Sept ans plus tard, au début de 2024, l’écart s’est même creusé. La France consommait 24,6 millions de tonnes de matière grasse en équivalent lait pour une production de 23,4 millions de tonnes. À l’inverse, le pays fait face à un surplus de matière protéique.
Un secteur en particulier a fait augmenter la demande de matière grasse sur la dernière décennie, celui des industries agroalimentaires. Le principal responsable est le secteur de la boulangerie, viennoiserie et pâtisserie (BVP), dont le chiffre d’affaires a doublé sur dix ans. La demande de beurre a fortement augmenté sur le sol français. La crème aussi est populaire avec des fabrications de crèmes glacées qui ont bondi de 18 % sur dix ans.
Pour le seul beurre, le déficit français « date du siècle dernier », poursuit Corentin Puvilland. La France détient le titre de premier importateur mondial de beurre, devant la Chine. Nous avons importé en 2023 l’équivalent de 260 000 tonnes de beurre. Cette dépendance rend le pays vulnérable à la flambée des cotations et au manque de matière grasse à venir. Rien qu’en 2024, « nous avons importé l’équivalent d’un 500 millions d’euros de beurre. C’est plus que l’ensemble de notre solde agroalimentaire hors vin et spiritueux, pour dire à quel point c’est colossal », détaille Corentin Puvilland.
Deuxième problème, quatre de nos principaux fournisseurs que sont les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et le Danemark (70 % des approvisionnements) pourraient voir leur production baisser de 13 % d’ici à 2035, selon la Rabobank. Quand on sait qu’« une baisse de 1 % de la collecte de matière grasse fait baisser les fabrications de beurre d’environ 2 % », les envois vers la France pourraient accuser le coup.
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Les États-Unis et l’Irlande ont fait grimper le TB
Certains pays ont su faire augmenter le taux butyreux (TB) du lait pour coller à la hausse de la demande de matière grasse. « Ce n’est pas le cas de la France, qui a un ratio TB/TP (taux protéique) similaire à la moyenne européenne, mais un ratio matière grasse/matière protéique très déséquilibré au niveau de la consommation », détaille l’économiste du Cniel.
L’exemple irlandais démontre que la France a encore du travail à faire. Le taux butyreux y a augmenté de 8 % sur dix ans, contre 4 % en France, tout en hissant aussi les litrages à des niveaux supérieurs. « La France pourrait rattraper son autosuffisance en matière grasse si elle avait le taux butyreux de l’Irlande », calcule Corentin Puvilland.
Aux États-Unis aussi, les éleveurs sont montés dans le train. À partir du moment où la matière grasse a été revalorisée sur les marchés, ils ont fait augmenter très fortement le taux de matière grasse dans le lait. Une raison simple, le prix de la matière grasse payé aux éleveurs est complètement indexé sur les cours du beurre.
À l’inverse, les prix standards et grilles différentielles qui n’ont pas évolué depuis quinze ans en France, incitent à produire du volume. Le Cniel va lancer une étude technico-économique pour calculer le coût des leviers techniques nécessaires à l’augmentation du taux butyreux sur les fermes. L’enjeu est de taille au regard de la dépendance grandissante de la France aux importations et de la volatilité des cours de la matière grasse.
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