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Emploi 80 millions d’euros d’amende pour une société de travail détâché

Une entreprise de travail temporaire, qui a envoyé des milliers d’ouvriers étrangers dans les champs français, devra verser la somme record de 80 394 029 euros aux organismes sociaux français. Elle a été condamnée pour fraude des règles européennes sur le travail détaché.

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Le 8 juillet 2021, une entreprise de travail détâché et ses dirigeants avaient été reconnus coupables d’avoir détourné la procédure européenne du détachement. Cette dernière permet aux entreprises de faire travailler du personnel à l’étranger, mais uniquement pour des missions limitées dans le temps.

Un an après le jugement sur le fond

Il s’agissait là du jugement sur le fond. Près d’un an plus tard, le 10 juin 2022, la décision sur les intérêts civils a été rendue, a expliqué à La France AgricoleJean-Yves Constantin, référent pour les ouvriers agricoles au SGA (syndicat général agricole) CFDT des Bouches-du-Rhône.

 

Selon une décision judiciaire consultée ce même jour par l’AFP, l’entreprise a été condamnée à une amende de 80 394 029 euros. Celle-ci vient en « réparation du préjudice financier » provoqué par le non-paiement des cotisations et contributions sociales à l’organisme chargé de les collecter auprès des entreprises françaises, l’Urssaf.

 

Les trois dirigeants de la société en question ont, quant à eux, été reconnus solidairement responsables des préjudices subis par les organismes sociaux parties civiles. Ils devront donc personnellement participer au paiement des 80 millions d’euros.

« Une victoire symbolique importante »

Cette nouvelle condamnation constitue « une victoire symbolique importante grâce à laquelle la voix des travailleurs a été entendue, a réagi l’avocat du syndicat CFDT, partie civile, Vincent Schneegans. C’est une décision très satisfaisante et en même temps frustrante car les travailleurs agricoles qui n’osent pas agir par peur des représailles n’ont pas de réparation directe. » Le syndicat a obtenu le 10 juin le versement de 30 000 euros en réparation d’un préjudice moral.

 

Pour l’avocat de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, Jean-Victor Borel, qui a réagi auprès de l’AFP, « c’est un aboutissement. Il s’agit de la fraude à la Sécurité sociale la plus importante jamais jugée en France. C’est un record. »

 

« C’est une bonne nouvelle […] que tout le monde se trouve remis devant ses responsabilités, a estimé Jean-Yves Constantin, faisant référence à la condamnation solidaire des dirigeants. Contactés par l’AFP, les avocats de l’entreprise n’ont pas donné suite aux demandes de réaction.

« C’est Germinal dans les exploitations »

Pendant quatre ans, de 2012 à 2015, cette firme a envoyé plus de 26 000 ouvriers étrangers travailler dans des exploitations agricoles françaises, dans le Gard, les Bouches-du-Rhône ou la Drôme.

 

Le procès de cette société avait mis en lumière les conditions de travail harassantes de ces travailleurs précaires peu enclins à se défendre. « C’est Germinal dans les exploitations agricoles », avait tancé le parquet.

 

L’un des trois dirigeants avait assuré que l’entreprise « régularisait les heures à la fin de la mission » du salarié détaché. Il s’était étonné de l’absence des exploitants agricoles français devant ce tribunal, et avait déclaré n’avoir jamais eu de sanction de la part de l’Inspection du travail de la ville du siège de l’entreprise.

 

L’entreprise a été poursuivie à plusieurs reprises par les tribunaux français ces dernières années. Le 1er avril 2022, elle a été condamnée à Nîmes à une amende de 375 000 euros.

 

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