L’équarrissage, un système fragile en cas de crise
Quinze ans après le déploiement de la réforme du service public de l’équarrissage, le CGAAER tire un premier bilan. Si globalement le système fonctionne, les crises sanitaires comme la grippe aviaire aboutissent souvent à un rapide engorgement des usines d’équarrissage.
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« Même si le fonctionnement du dispositif [de l’équarrissage] est globalement satisfaisant en temps de paix, des germes de difficultés sont présents », conclut le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans son rapport publié le 21 juillet 2023 qui tire un bilan du fonctionnement des services d’équarrissage depuis sa réforme en 2009.
Biosécurité : bien aménager son aire d’équarrissage (23/07/2020)
« On a progressé sur la biosécurité »
Avec la création des ATM (animaux trouvés morts) au terme de la réforme (lire l'encadré), la majorité des acteurs s’accordent à considérer que le système fonctionne bienen l'absence de crise sanitaireet a permis une meilleure fluidité. La plupart saluent en particulier l’effet très positif de la mutualisation au terme de laquelle le prix payé par l’éleveur au sein d’une filière est le même sur tout le territoire.
En mobilisant les filières, le service de l’équarrissage s’est « professionnalisé ». « Quand la règle a changé, il a fallu s’organiser, on a progressé en termes de biosécurité, de stockage des animaux morts », souligne l’ATM lapin. Mais si l’efficience du dispositif est qualifiée de bonne en règle générale, les situations de crise sanitaire induisent rapidement « une embolie du système » qui affecte aussi bien le service privé (ATM) que le service public de l’équarrissage (SPE).
Les raisons d’un tel engorgement ? Tout d’abord, la forte imbrication des activités des ATM et du SPE, dont les circuits de collecte sont partagés, « a pour conséquence que le dysfonctionnement de l’un entraîne le dysfonctionnement de l’autre ». L’extrême concentration du système, avec pour l’essentiel deux importants opérateurs qui se partagent la quasi-totalité du marché, entraîne sa saturation.
Par ailleurs, le manque d’anticipation des ATM comme des filières dans la gestion des crises ainsi que l’absence de solutions alternatives contribuent à l’engorgement du système, estime le CGAAER. « Dès qu’on subit un aléa, les équarrisseurs sont dépassés. On souhaite rechercher des solutions alternatives ponctuelles, même si en première intention, l’équarrissage reste prioritaire », explique l’ATM volaille de chair.
La grippe aviaire surcharge les usines d’équarrissage
Selon le CGAAER, les huit usines d’équarrissage qui maillent le territoire métropolitain offrent une capacité de traitement de 1,2 million de tonnes. Avec un besoin en routine de l’ordre de 900 000 tonnes par an, la capacité disponible pour les situations de crise est de 100 000 tonnes par an, soit environ 400 tonnes par jour.
Mais lors d’évènements de surcharge conjoncturelle, caractérisés par des pics de mortalité, le dispositif s’engorge vite et les délais de ramassage s’allongent considérablement. Les seuls besoins de la Vendée pendant la flambée d’influenza aviaire du printemps 2022 (600 foyers recensés en quatre semaines) ou de la Bretagne pendant la canicule de l’été 2022 (1 500 t par jour de cadavres de volailles à éliminer) dépassent largement les capacités de traitement.
En outre, le changement de statut vis-à-vis de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine) pourrait conduire certains industriels à diminuer leur capacité de traitement pour l’adapter aux plus faibles tonnages de sous-produits animaux attendus. De même, la question de la fermeture de l’usine Sopa de Cros-de-Montvert (Cantal) constitue un risque d’engorgement supplémentaire.
Le spectre de la peste porcine africaine et des aléas climatiques
Les inquiétudes sont donc légitimes si survenait une épidémie de peste porcine africaine (PPA), qui plus est en période de canicule. S’ajoutent à ces surcharges conjoncturelles, des difficultés liées au manque de chauffeurs et de matériel en période estivale, « au moment même où risquent le plus de survenir les canicules », précise le CGAAER.
Le délestage de certaines usines, qui pourrait permettre de limiter ce phénomène, ne parvient pas à s’organiser. La nécessité pour les équarrisseurs de maintenir une certaine hétérogénéité de la matière traitée en usinerend également difficile la gestion en temps de canicule, compte tenu des flux importants de cadavres de volailles morts par étouffement et fortement dégradés.
Cette situation peut conduire les équarrisseurs à privilégier la collecte de certains animaux, moins préjudiciable au fonctionnement des usines. D'après le CGAAER, lors de la canicule de l’été 2022, l’opérateur Secanim a limité la collecte des étouffements à 200 t/j et a priorisé la collecte d’équarrissage « classique ». Enfin, les pénalités instaurées par les ATM en cas de retard de collecte « ont pour effet pernicieux d’inciter les équarrisseurs à effectuer en priorité la collecte courante plutôt qu’un gros élevage de volailles où se serait produit un étouffement ».
Dans son rapport, le CGAAER s’est attaché à formuler plusieurs pistes de réflexion pour améliorer le système d’équarrissage actuel. Il en résulte que la principale mesure envisagée consiste à définir une stratégie commune à l’ensemble des acteurs pour la gestion de la mortalité en élevage et l’équarrissage.
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