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Financement des syndicats : les minoritaires s’inquiètent

L’importance du nombre de votes serait réduite, tandis que le nombre de sièges deviendrait déterminant pour les syndicats.

La Coordination rurale, la Confédération paysanne et le Modef s’inquiètent d’un projet de décret du ministère de l’Agriculture qui réformerait les élections professionnelles de janvier 2025 réduisant le financement des syndicats minoritaires.

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Refus du « pluralisme syndical » selon la Coordination rurale, « mise à mal des syndicats minoritaires » d’après le Modef, « affaiblissement dramatique de la démocratie » pour la Confédération paysanne. Les syndicats agricoles sont vent debout contre un projet de décret du ministère de l’Agriculture visant à réformer les modalités des élections professionnelles qui auront lieu en janvier 2025, et avec elles, le financement public des syndicats.

Ce projet de décret représente « un vrai recul du pluralisme syndical », s’inquiète Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, le mercredi 22 novembre 2023. Une inquiétude partagée par les deux autres syndicats. À la fin de l’été, le ministère de l’Agriculture leur a fait part d’un projet de décret portant sur deux axes : l’abaissement du seuil de représentativité à 5 % (contre 10 % actuellement) et la modification du calcul du financement public des syndicats à partir du collège 1 des chefs d’exploitation. Ce dernier est aujourd’hui calculé à 75 % au prorata du nombre de votes, et à 25 % au prorata du nombre de sièges des élus.

La Coordination rurale s'inquiète de la baisse des financements qui pourrait s’effectuer à cause du projet de décret. (Photo : le syndicat lors d'une précédente manifestation en 2019.) (©  Jean-Michel Nossant)

Le projet de décret fixerait la répartition des financements publics (de l’ordre de 14,5 millions d’euros pour 2024) selon la clé des 50 %-50 %. L’importance du nombre des votes serait réduite, tandis que le nombre de sièges deviendrait déterminant pour les syndicats.

Coupes dans le budget

Le mode de scrutin actuel étant favorable au syndicat majoritaire (qui remporte d’emblée la moitié des sièges), les autres syndicats sortiraient perdants de la réforme, puisqu’ils disposent de moins de sièges que de votes.

Le projet de décret « renforcerait la domination déjà très importante de la FNSEA sur les syndicats minoritaires en termes de ressources économiques », analyse Alexandre Hobeika, chercheur en science politique et travaillant notamment sur la FNSEA.

Passer du « 75-25 au 50-50 » pour le calcul des subventions représenterait « une perte de l’ordre de 500 000 euros sur un budget de 2,3 millions d’euros par an pour la Confédération paysanne », estime Laurence Marandola. Pour le Modef, le manque à gagner « s’élèverait à 80 000 euros par an » sur un budget de 560 000 euros, s’inquiète Sophie Bezeau, directrice du syndicat, qui espère rencontrer le ministre « dans les prochaines semaines ». Quant à la Coordination rurale, « ce changement nous ferait perdre dans les 330 000 euros par an » sur un budget de 3,7 millions d’euros, estime Alexandre Berraud, juriste du syndicat.

En compensation, le ministère envisage d’abaisser le seuil de représentativité à 5 %, une des revendications du Modef. Mais le « package » abaissement du seuil et modification du calcul du financement ne passe pas pour le syndicat qui préfère rester au statu quo. Une mesure, « anecdotique » pour la Coordination rurale et « inacceptable » selon la Confédération paysanne. Les trois syndicats réclament des élections à la proportionnelle intégrale, comme les autres collèges de représentation dans les chambres d’agriculture ou a minima, une prime à la majorité réduite et une clé de répartition fondée sur le nombre de voix.

Contester devant le Conseil d’État

Interpellés par les syndicats, 28 sénateurs ont envoyé une lettre au ministère de l’Agriculture, le 16 novembre, alertant sur une « nouvelle atteinte importante au pluralisme syndical et à la démocratie au sein de la gouvernance des Chambres d’agriculture ».

Interrogé par la députée Marie Pochon (Ecologiste) à l’Assemblée nationale mercredi 6 décembre, le ministre a affirmé « discuter avec tout le monde ». « L’action publique, ce n’est pas toujours le statut quo. On peut se poser des interrogations », a ajouté Marc Fesneau, en mettant en avant la volonté d’abaisser le seuil à 5 % comme mesure favorisant le pluralisme syndical. « Je regarderai ça avec équilibre en fonction de ce que sont pour moi les principes du pluralisme », a conclu le ministre.

Marc Fesneau envisage de réformer les élections professionnelles. (©  Guillaume Collanges/Reportage)

En 2019, seuls 46 % des agriculteurs avaient voté. De son côté, la FNSEA considère ce retour au 50-50 comme un « alignement avec les règles de financement des partis politiques ». Seulement la « prime au vainqueur » y est « beaucoup plus faible qu’en agriculture », nuance Alexandre Hobeika (lire l'encadré).

Les trois syndicats minoritaires se disent prêts à se mobiliser contre ce projet de décret, notamment dans les chambres d’agriculture via le vote de motions. S’il est promulgué, la Coordination rurale et la Confédération paysanne n’excluent pas de le contester devant le Conseil d’État.

En 2003, cette dernière avait déjà déposé un recours contre la clé de répartition 50 %-50 %. Il avait été rejeté par le Conseil d’État. C’est finalement en 2013, qu’un décret avait de nouveau promulgué la répartition 75 %-25 %. Un décret attaqué par la FNSEA devant le Conseil d’État, un recours rejeté il y a tout juste dix ans.

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