Marchés Le maïs peine à rattraper le blé

« On est dans une situation particulière », soulève Matthieu Çaldumbide, directeur adjoint de l’AGPM, à l’occasion d’une conférence de presse dans les locaux de l’association à Paris. Représentant environ 14 % de la consommation mondiale, le stock de maïs n’aurait jamais été aussi bas, et les observateurs attendaient donc une nette remontée des prix… qui ne vient pas.

Après un pic au mois de mai, la tendance actuelle serait même plutôt baissière. « Le prix du maïs est en nette réduction depuis le mois de septembre », observe le vice-président. Alors que la cotation du blé ne dépasse celle du maïs que de 20 à 30 euros/tonne habituellement, l’écart s‘est creusé pendant l’été pour atteindre près de 35 euros par tonne depuis le début du mois d’octobre.

Une année mouvementée

Au printemps, une sécheresse en Amérique du Sud a entraîné une baisse des productions brésiliennes et argentines, un facteur haussier important pour le marché, « qui explique le rebond des prix en mai ». L’évolution des cours, à ce stade, dépendait alors des productions des États-Unis et de l’Ukraine, les champions du maïs dans l’hémisphère Nord.

Dans les deux pays, la récolte au cours des mois suivants a été très satisfaisante, avec des rendements atteignant les 113 q/ha chez les Américains, pour une production totale estimée à 375 millions de tonnes. « Même si le dernier rapport de l’USDA laisse planer quelques doutes sur les quantités », remarque le vice-président.

En cette période de fin de récolte, le disponible exportable est maintenant important sur le marché international, et la concurrence n’en est que plus rude.

L’Europe a faim de maïs

La situation sur le physique est aggravée par la politique commerciale agressive des USA vis-à-vis de la Chine. « Aux États-Unis, rappelle M. Çaldumbide, soja et maïs sont cultivés sur les mêmes zones. Les taxes imposées sur le premier entraînent donc les producteurs à se tourner vers le second. » Une augmentation de la sole américaine de maïs serait déjà attendue pour la saison prochaine. Et les Européens seront au premier rang des acheteurs.

L’UE est devenue au cours de la saison 2017-2018 le premier importateur mondial de maïs avec 18 millions de tonnes importées. « Avec la nouvelle campagne, estime Matthieu Çaldumbide, on pourrait à nouveau battre un record, et atteindre les 20 millions de tonnes. » La France, d’après les projections de FranceAgriMer, devrait ainsi importer cette année au moins 750 000 t. « En 2017, rappelle Matthieu Çaldumbide, près de 11 % du maïs importé provenait des États-Unis, où 90 % des semis sont réalisés avec des semences OGM. »

Clap de fin pour la récolte française

La récolte de maïs serait sur le point de s’achever en France, indique l’AGPM. Confirmant ses chiffres précédents, et en accord avec Arvalis, le rendement national s’établirait pour l’association des producteurs à 93,2 q/ha. Au total, la production française atteindrait 11,8 millions de tonnes, contre 13,4 millions de tonnes en 2017. Selon Gilles Espagnol, animateur chez Irrigants de France, «l’irrigation a permis de réaliser un rendement honorable, au regard des difficultés que l’on a eues ».

Seul avantage de la sécheresse, les grains récoltés ont une humidité moindre, de 4 points environ. À l’échelle nationale, les producteurs devraient donc économiser, selon l’AGPM, entre 7 et 8 euros par tonne en frais de séchage en moyenne.

Cependant, comme le souligne Matthieu Çaldumbide, « de grandes disparités sont observées entre les régions ». Dans les zones irriguées du Centre et du Sud-Ouest, le gain de séchage pourrait passer inaperçu, mais dans l’Est, zone la plus touchée par les conditions climatiques, cette baisse de charges pourrait faire gagner près de 20 euros par tonne aux producteurs.

Ivan Logvenoff