Marché des céréales Attention, danger !
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Il faut se rendre à l’évidence : aucune nouvelle ne vient réveiller l’espoir pour les producteurs de céréales de voir les prix remonter fortement dans les semaines qui viennent.
Blé tendre, nouvelle salve de concurrence sur pays tiers
On peut voir le verre à moitié plein : le blé français confirme un bon démarrage à l’exportation vers les autres pays de l’Union européenne (UE) grâce à une solide compétitivité. Ou à moitié vide : les exportations extracommunautaires patinent, et le contexte risque de se compliquer avec la montée en puissance de l’Argentine vers l’Algérie et la forte compétition qui va caractériser la campagne d’importation au Maroc.
Sur cette destination habituellement clé pour le bilan français, l’origine tricolore va devoir regagner en compétitivité face aux blés de la mer Noire, d’Argentins et des États-Unis pour s’imposer. Dans un tel contexte, toujours dominé par la lame de fond des exportations russes, les prix français s’effritent un peu plus, cédant 2 €/t rendu Rouen (à 154,5 €/t), et reculant de façon similaire sur les autres places physiques ainsi que sur Euronext (à 158,75 €/t le 16 novembre pour l’échéance de décembre).
Deux éléments supplémentaires viennent accentuer le climat maussade du marché mondial du blé. D’abord, de nouvelles craintes sur l’ampleur des achats du Gasc, faisant suite à la relance du feuilleton sur le seuil toléré en ergot dans les chargements. Feuilleton qui, l’an dernier, a fortement ralenti les achats de l’office étatique égyptien du fait de la frilosité qu’il avait suscité chez les vendeurs face au risque de voir un bateau refusé.
Prudence vis-à-vis de l’Égypte
Pour l’heure, du côté du Gasc, rien de nouveau sous le soleil : le dernier appel d’offres a profité exclusivement à l’origine russe pour la sixième fois consécutive, avec 240 000 tonnes achetées (pour livraison au début de janvier) à un prix légèrement inférieur à celui du précédent achat. Le faible nombre d’offres pour ce « tender » confirme toutefois que les opérateurs jouent la prudence face au nouveau revirement des autorités égyptiennes quant à leurs exigences qualitatives.
Autre motif d’inquiétude, les importations de l’Inde pourraient s’avérer plus basses que ce qui est attendu actuellement, faisant suite à la remontée des droits d’importation. Si le niveau actuel de la taxe (20 %) devait perdurer (rendant non compétitif le blé importé), l’Ukraine, principal fournisseur de l’Inde avec l’Australie, se verrait contrainte de trouver d’autres marchés pour son blé, ravivant la concurrence déjà féroce sur de nombreux débouchés à l’international.
Le dernier bilan du blé tendre de 2017-2018 proposé par FranceAgriMer, en remontant de 150 000 tonnes sa prévision de stock final, acte ces inquiétudes, malgré une prévision d’exportation vers les pays tiers qui reste très optimiste vu le contexte actuel, à 9,9 millions de tonnes.
Repli stratégique de l’orge fourragère
Les prix de l’orge fourragère se sont repliés de concert avec le blé cette semaine. Le rendu Rouen a cédé 2 €/t, à 151,5 €/t. Les prix actuels placent l’origine française en bonne position pour empocher des parts de marché sur l’Afrique du Nord, mais la baisse légèrement plus marquée des origines mer Noire (–2 $/t pour le prix Fob russe contre –1 $/t pour le Fob Rouen) pourrait compliquer la tâche à destination de l’Arabie Saoudite, poids lourd à l’achat sur le marché mondial de l’orge.
Sur le créneau des brassicoles, aucune nouvelle n’est venue faire bouger les prix, qui restent constants en Fob Creil tant pour les variétés de printemps (196 €/t) que d’hiver (156 €/t).
Le maïs brésilien à la manœuvre
Comme en blé, le marché mondial du maïs reste caractérisé par une offre abondante. Les origines européennes pèchent toujours par manque de compétitivité face aux offres alternatives. Le Fob Bordeaux cède ainsi près de 3 €/t cette semaine, tandis que les maïs américains, ukrainiens et brésiliens sont quasi stables (–1 $/t). Actuellement, c’est toujours l’origine brésilienne qui alimente la planète, du fait de ses prix attractifs.
Cette semaine, les exportations hebdomadaires au départ des États-Unis se révèlent d’ailleurs bien inférieures aux attentes des opérateurs. Vu le rythme des expéditions, l’offre brésilienne devrait progressivement se tarir et passer le relais à ses concurrentes. Du côté de l’Union européenne, les importations en provenance des pays tiers ont nettement baissé cette semaine, reflétant un besoin de digérer les gros achats déjà réalisés au cours des derniers mois, notamment en Espagne.
Les prévisions d’importations dans l’Union européenne sont en effet très élevées compte tenu de la compétitivité du Brésil, des États-Unis et de l’Ukraine. Petit élément plutôt haussier à surveiller : le temps chaud et sec qui s’est installé en Afrique du Sud au moment des semis pourrait devenir une menace pour le rendement dans ce pays.
Le soja soutenu par les risques climatiques en Amérique du Sud
Aux États-Unis, la récolte de soja s’achève avec 96 % des champs coupés (92 % la semaine dernière). Les ventes américaines sont encore faiblardes cette semaine, avec seulement 1,1 million de tonnes (Mt) vendues, de nouveau suite à des annulations importantes (environ 660 000 t).
Des pluies sont récemment tombées au Brésil, mais les craintes du phénomène La Niña s’intensifient ; cela pourrait entraîner un recul des précipitations pendant les mois clés de décembre et janvier. Cette inquiétude contribue au maintien d’une prime de risque sur les prix de Chicago.
Ainsi, les cours du soja américain sur le marché à terme nord-américain sont en très léger retrait cette semaine, perdant 1 $/t sur le rapproché (échéance de janvier 2018). Néanmoins, les prix devraient reculer à l’arrivée des sojas brésiliens sur le marché mondial en début d’année prochaine.
Les prix du colza marquent le pas
Après trois semaines de hausse, les prix du colza sur le marché français reculent cette semaine. Le rendu Rouen perd ainsi 1 €/t, tandis que le colza Fob Moselle voit son prix reculer de 5 €/t. Les cours sur Euronext reculent pour leur part de 4,5 €/t, à 379 €/t.
Le recul observé cette semaine est à mettre sur le compte de la hausse de l’euro face au dollar. Les prix de l’huile sont en légère hausse par rapport à la semaine dernière, ce qui permet d’augmenter de nouveau les marges de trituration et donc la demande industrielle.
Il est à noter que les chargements de bateaux vont commencer dans les prochains jours en Australie, et viendront alimenter le marché de l’Union européenne à partir de janvier.
Le cours du canola canadien est en très légère hausse cette semaine, avec de nouveau une bonne demande (exportation et trituration).
Le prix du tournesol est en baisse de 5 €/t cette semaine, à 320 €/t à Saint-Nazaire, dans le sillage de la graine de colza.
Les tourteaux orientés à la baisse
A la suite de la graine de soja, le tourteau de soja sur le CBOT perd environ 1,5 $/t. Au contraire, la hausse de l’euro frappe de plein fouet les prix français, avec la cotation à Montoir qui perd 9 €/t cette semaine.
Le prix du pois fourrager est inchangé à 180 €/t départ Marne, tandis que le prix du pois jaune rendu Rouen perd 2 €/t (à 195 €/t).
À suivre : épuisement de l’offre brésilienne en maïs, compétitivité du blé français vers les pays tiers (risque d’alourdissement de bilan), implantation des céréales d’hiver dans l’hémisphère nord, pluies en Amérique du Sud, condition du maïs en Afrique du Sud, récolte et exportations de canola en Australie, taux de change.
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