Comment les coopératives veulent reconquérir « l’assiette des Français »
La Coopération Agricole estime que les coopératives agricoles doivent s’orienter vers « le cœur de gamme » pour réduire le poids toujours plus important des importations.
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Pour garantir « un revenu juste des agriculteurs », les coopératives doivent trouver leur équilibre entre la course aux prix bas dans les rayons des supermarchés et le poids des exigences environnementales et réglementaires. C’est le constat dressé par Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole, l’organisation représentant les coopératives agricoles, lors de sa conférence de presse annuelle de rentrée organisée le 3 septembre 2025.
« Notre réinvestissement dans l’entrée de gamme et le cœur de gamme reste pour nous une solution que nous devons développer en termes d’investissement pour reconquérir l’assiette et la cantine des Français. » Une stratégie qu’il explique par le constat d’une production agricole française qui a été « trop sanctuarisée et orientée vers le très haut de gamme » et « inadaptée aux évolutions des marchés ».
« Sortir de la guerre des prix »
Pour atteindre ce nouvel équilibre recherché, La Coopération Agricole propose plusieurs leviers d’action. « Pour sortir de la guerre des prix », Dominique Chargé souhaite « rentrer dans une logique de collaboration ou de coopération beaucoup plus productive, et de construction entre les acteurs de la chaîne alimentaire, notamment avec la grande distribution et la restauration hors domicile ». Une guerre des prix qu’il estime exacerbée par la publication comparative, à laquelle se livrent les distributeurs, qu’il souhaite voir interdite.
Il recommande également une « exception agricole dans la commande publique auprès de productions locales ». S’il souhaite que plus de place soit laissée à ces productions, notamment dans les cantines des écoles françaises, Dominique Chargé plaide « pour une intervention dès le plus jeune âge dans les écoles sur la valeur de l’alimentation et son lien avec la production et l’origine France ».
Réformer le droit européen de la concurrence
La Coopération Agricole continue aussi d’appeler à l’application des lois Egalim encadrant les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs. Son application doit permettre à ce que « les coûts de production agricole » soient « respectés » mais sans pression sur « les coûts industriels » que supportent les coopératives.
Dominique Chargé a insisté sur le respect du droit de la concurrence. « Ce droit européen s’exerce exclusivement autour de la qualité du prix le plus bas pour le consommateur. Cette logique est en train de détruire l’environnement économique, social et même probablement environnemental de nos consommateurs et compatriotes », a-t-il estimé tout en en appelant à une réforme.
Une surcharge administrative et réglementaire
Le président de La Coopération Agricole a dénoncé également les importations de produits qui « ne répondent pas à nos standards de production » et qui sont vendus à des prix défiant toute concurrence. Il est inacceptable que la « part de la production française diminue dans l’assiette de nos compatriotes ».
Il a pris l’exemple du poulet : « Un sur deux consommé, notamment en restauration hors domicile, provient d’importation qui n’est pas dans les standards de la production française. » Il estime qu’il faudrait 400 nouveaux poulaillers pendant cinq ans pour reconquérir 20 % à 30 % du déficit de production comblé par les importations alors que celles-ci augmentent, en particulier depuis l’Ukraine.
Ces constructions de poulaillers sont confrontées à un excès de contraintes réglementaires et administratives, que ce soit en volaille de chair ou dans la filière des œufs. Cette dernière est d’ailleurs brandie par Dominique Chargé comme une illustration de la lourdeur administrative et réglementaire.
L’exemple symbolique de l’œuf
« Il y a environ cinq ou six ans, les distributeurs ont demandé la main sur le cœur aux producteurs de supprimer la production d’œufs en cage et de passer exclusivement à la production d’œufs alternatifs. Ce que nous nous sommes massivement engagés à faire au niveau de nos structures coopératives. Mais nous nous confrontons sur le développement de ces ateliers à la complexité réglementaire et administrative française. Nous sommes dans l’incapacité de pouvoir soutenir le développement de la production d’œufs alternatifs à hauteur de ce que nécessiterait la transition », explique Dominique Chargé.
Pendant ce retard pris, il observe que l’œuf est devenu la protéine la moins chère et voit sa consommation augmentée. « Pour soutenir la croissance de la consommation d’œufs en France, il nous faut construire plusieurs dizaines de poulaillers par an. » Un rythme qui n’est pas tenable, selon lui, aujourd’hui.
En réaction, « les distributeurs nous disent qu’ils vont aller s’approvisionner dans des pays qui ont continué de produire des œufs en cage, notamment l’Ukraine. Ces mêmes distributeurs reviennent ensuite nous dire que nous ne sommes plus compétitifs avec nos œufs alternatifs », critique Dominique Chargé.
Un fonds de 300 millions d’euros
Le président alerte sur le risque d’une balance commerciale agricole « très proche de zéro, voire en déficit » à la fin de l’année 2025. La faute à « un décrochage de compétitivité et une concurrence de plus en plus féroce ».
Pour gagner en compétitivité et pour réaliser les différentes transitions (les pratiques agroécologiques, l’accès à l’eau, l’amélioration génétique, la décarbonation au niveau des exploitations agricoles et la modernisation des outils de transformation des coopératives), Dominique Chargé souhaite « un choc d’investissement ».
La Coopération Agricole estime à plus de 10 milliards d’euros les investissements projetés par les coopératives pour les trois prochaines années. Pour soutenir cette dynamique, l’organisation a annoncé la création d’un fonds « Coop Agri » de 300 millions d’euros sur 8 à 12 ans qui sera opérationnel au premier semestre de 2026. Il est lancé sur la base d’un appel à projets qu’avait lancé La Coopération Agricole l’année dernière. Il sera porté par Idia Capital Investissement, une filiale du Crédit Agricole.
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