Tensions en mer Noire et hésitations chinoises soutiennent les prix des grains
Le risque d’escalade en mer Noire et la timidité des achats chinois sur le marché américain ont entraîné un rebond des prix des céréales comme des oléagineux, dans un contexte international pourtant marqué par l’abondance des récoltes.
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L’événement le plus marquant des derniers jours sur le marché des grains est « le retour d’une prime de risque géopolitique autour de l’Ukraine », estime Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France. Mardi, le président russe Vladimir Poutine a affirmé que la Russie allait élargir « sa gamme de frappes contre les navires qui entrent dans les ports ukrainiens », après des attaques par Kiev de deux pétroliers liés à Moscou dans les eaux territoriales turques en mer Noire.
« Nous envisagerons des mesures de rétorsion à l’encontre des navires des pays qui aident l’Ukraine », a déclaré Vladimir Poutine, estimant aussi que « la mesure la plus radicale consisterait à couper l’Ukraine de la mer ». Les autorités russes accusent l’Ukraine d’avoir visé un troisième navire, battant pavillon russe et chargé d’huile de tournesol, ce que Kiev nie. Ce « pic de tensions » a « poussé les opérateurs à racheter des céréales », note le cabinet Inter-Courtage.
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Le « poids du conflit » entre la Russie et l’Ukraine
Et cette escalade a suffi à faire rebondir le prix du blé à plus de 192 euros la tonne ce mercredi 3 décembre 2025 sur l’échéance la plus proche sur Euronext, effaçant les pertes des derniers jours. Le mouvement a aussi légèrement profité au cours du maïs et du colza. Le marché réagit toutefois dans des proportions bien moindres qu’il y a deux trois ans, quand les exportations de Kiev étaient très entravées sur la mer Noire et via le Bosphore.
Mais la situation très difficile de l’Ukraine inquiète et, au-delà de la fièvre des derniers jours, a des répercussions profondes sur le marché des grains. « Les infrastructures ukrainiennes commencent réellement à souffrir du poids du conflit, que ce soient les voies de transport pour les grains, le manque d’électricité, indispensable pour remplir et vider les silos, les séchoirs, etc... », explique Sébastien Poncelet.
La lenteur de la chaîne logistique, ainsi que les faibles stocks, ralentissent les exportations ukrainiennes. Un ralentissement aggravé par des intempéries qui retardent la récolte du maïs d’ordinaire achevée fin novembre. Ce retard de la moisson de maïs en Ukraine, premier fournisseur étranger du grain jaune de l’Union européenne, soutient les prix sur le marché européen. Et ce en dépit d’une production mondiale qui s’annonce record en maïs.
L’orge s’envole
Le marché des céréales est aussi bousculé par le prix de l’orge fourragère, qui est aujourd’hui plus chère que le blé. Une situation rare, liée à la diminution ces dernières années des productions d’orge en Ukraine comme en Russie, alors que cette saison, les besoins sont importants en Turquie après une très mauvaise récolte, explique Sébastien Poncelet.
L’orge française, y compris brassicole, est donc très demandée en Afrique du Nord et Moyen-Orient, en attendant les récoltes de l’hémisphère sud, notamment australienne. Si la concurrence internationale reste rude pour le blé, dont la production est conséquente cette année, la céréale à pain « trouve une béquille avec une demande intra-européenne soutenue » : une demande notamment pour l’alimentation du bétail, du fait des tensions sur l’orge et le maïs, note Sébastien Poncelet.
Des regards inquiets tournés vers la Chine
De l’autre côté de l’Atlantique, les cours sont également orientés à la hausse et les regards, inquiets, toujours tournés vers la Chine. Après l’annonce d’un « deal » par la Maison Blanche, selon lequel Pékin allait acheter 12 millions de tonnes de soja américain d’ici la fin 2025, les achats se font au compte-goutte.
« Il n’y a pas eu d’achats de soja depuis la semaine dernière et beaucoup de gens commencent à être un peu sceptiques », indique Dewey Strickler, d’Ag Watch Market Advisors. L’analyste estime que « les Chinois ont probablement acheté trois à quatre millions de tonnes de soja », encore loin des 12 millions escomptés.
Rich Nelson, analyste pour la maison de courtage Allendale, s’inquiète du rythme des exportations américaines, qui pourraient à terme être « inférieures aux objectifs » du gouvernement alors que « certains pays sont actuellement moins chers » à l’exportation que les États-Unis.
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