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« La compétitivité est le défi majeur des producteurs européens d’engrais »

Coûts des matières premières, évolution des comportements d'achat, ambition verte de l'UE...: les producteurs européens d'engrais vont devoir s'adapter.

Selon Renaud Bernardi, responsable des ventes pour l’Europe de l’Ouest chez LAT Nitrogen, la reprise de l’industrie européenne des engrais reste difficile.

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« L’industrie européenne des engrais, en particulier azotés, est confrontée à ses plus grands défis depuis plusieurs décennies. En effet à court terme, le prix du gaz naturel, qui représente 80 % du prix de l’engrais, reste élevé depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, sans espoir de baisse significative. Nos concurrents hors Europe ne connaissent pas cette situation, ce qui nous rend moins compétitifs sur le marché mondial. À cela s’ajoute l’augmentation des prix de l’ammoniac et de l’urée, dont la demande mondiale est très soutenue. »

« De plus, la pression des importations reste importante, bien qu’un peu atténuée par rapport au début du conflit. À titre d’exemple, les importations européennes d’urée ont progressé de 2 millions de tonnes depuis 2022. Celles de NPK ont elles aussi augmenté, de plus de 40 % depuis 2021 alors que les achats de roches phosphatées ont diminué. Ces évolutions mettent en lumière une baisse de la production en Europe. Avec 7 % de part de marché pour l’azote, 3 % pour le phosphate et 4 % pour la potasse, ce n’est clairement pas le marché européen qui donne le la du marché mondial des fertilisants. »

Revoir nos modèles de commercialisation

« À moyen terme, le comportement des agriculteurs évolue : ils achètent de plus en plus tardivement, avec un grand creux sur octobre, novembre et décembre. Cette situation est encore peu marquée en France mais nous l’observons clairement ailleurs en Europe, et elle nous préoccupe beaucoup. En effet, si les agriculteurs retardent leurs achats, cela veut dire que nous allons devoir réduire notre production à cette période, sans rattrapage possible sur les mois suivants. Comme les importations ne peuvent pas totalement compenser, du fait des limites de la logistique, les disponibilités au printemps risquent de diminuer. Mécaniquement, cela entraînerait une hausse des prix ».

« Ainsi, dans un avenir proche, les producteurs européens d’engrais vont devoir réfléchir à de nouveaux modèles de commercialisation, pour que chaque acteur de la chaîne de valeurs puisse trouver un équilibre entre la nécessité à s’approvisionner en temps et en heure et la réduction de son risque d’achat, compte tenu de la volatilité des prix. »

Décarboner progressivement

« Un autre défi important concerne l’ambition verte de l’Union européenne (UE). Comme toute industrie chimique, celle des producteurs d’engrais bénéficie à ce jour de quotas de CO2 gratuits. Or l’UE souhaite diminuer ses allocations dès 2026 puis les faire totalement disparaître d’ici à 2035. Pour pallier les écarts de compétitivité, elle propose la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Ce système doit être renforcé. En effet, le prix du quota carbone va mécaniquement augmenter sur le marché mondial, ce qui va impacter à la hausse celui des engrais. Si nous ne sommes plus compétitifs à l’exportation, il nous faudra trouver un foyer sur le marché intérieur pour écouler nos 6 millions de tonnes de production. Avec ce projet, l’UE va obliger l’industrie européenne à de grandes évolutions. »

« Enfin, la Commission européenne a pour ambition de développer les engrais verts. Il faut cependant rester vigilant : les objectifs de décarbonation doivent rester réalistes et les investissements, qui se comptent en plusieurs millions, voire milliards d’euros, être soutenus par les autorités. La mise en œuvre doit aussi se faire de manière progressive, avec un travail conjoint entre les producteurs et leurs clients historiques. »

(1) LAT Nitrogen fait partie du groupe Agrofert depuis 2023, après l’acquisition des ateliers de production de fertilisants de Borealis. L’entreprise a trois sites de production en France : Grand-Quevilly, Grandpuits et Ottmarsheim.

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