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La guerre des droits de douane agite les marchés du maïs, colza et soja

A la suite des multiples annonces de Donald Trump, le prix du maïs américain cède sur les quinze derniers jours près de 20 $ la tonne.

La géopolitique n’en finit plus d’animer les marchés agricoles. Les relations se dégradent entre les États-Unis et l’Union européenne. Cette dernière devrait taxer à partir d’avril le maïs américain, voire la graine de soja. De son côté, le colza européen est entraîné par la chute du marché du canola au Canada.

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La sécurisation des besoins européens devient un sujet de discussion. Le gouvernement chinois souhaite également taxer certains produits canadiens dont l’huile et les tourteaux de canola, ce qui accentue la pression sur les cours du colza européen. La situation fondamentale apporte aussi son lot d’incertitudes et pourrait être source de volatilité au cours des prochains mois.

En blé aussi, une actualité géopolitique omniprésente

Le marché du blé retrouve quelques couleurs après la forte correction des dernières semaines. Les cours s’affichent en hausse hebdomadaire de 5 €/t pour revenir autour de 219 €/t en base juillet rendu Rouen. L’actualité géopolitique anime toujours les marchés agricoles, relayant pour le moment les fondamentaux en second plan. Entre le retour de la guerre commerciale, les annonces de taxes et les négociations de paix dans la région de la mer Noire, l’incertitude est totale et les cartes des flux mondiaux des céréales seront rebattues dans les prochains mois.

Dans le même temps, la stabilisation de la parité de l'euro par rapport au dollar autour de 1,09 permet au marché du blé de reprendre son souffle. L’origine française est toujours bien positionnée mais les relations diplomatiques difficiles avec l’Algérie n’ont pas permis aux opérateurs de se positionner sur le nouvel appel d’offres lancé cette semaine. Le pays nord-africain a ainsi acheté au moins 450 000 tonnes de blé d’origine mer Noire, particulièrement en provenance de l’Ukraine. La demande internationale revient progressivement et les regards se tournent également vers la nouvelle campagne.

Le retour du soleil après un début de cycle très pluvieux a permis aux conditions de culture de se stabiliser autour de 74 %, contre 66 % l’an passé à cette date. La situation semble similaire en Allemagne, où l’association des coopératives table sur 21,4 millions de tonnes en 2025, soit une hausse de 15 % par rapport à l’an passé. Au global, la production européenne pourrait passer de 114 millions de tonnes en 2024 à 124 millions de tonnes en 2025, selon le Coceral.

Ailleurs dans le monde, les craintes climatiques reviennent progressivement et une prime de risque pourrait refaire son apparition dans les prochaines semaines. Le retour du sec aux États-Unis et la hausse des températures jusqu’à 30°C par endroits en Russie ce week-end posent question sur le développement des blés d’hiver. Enfin, les pays importateurs ne semblent pas épargnés, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, où les besoins de blé d’importation sont attendus à des niveaux supérieurs aux précédentes années.

L’Europe taxe le maïs américain

Les multiples annonces de Donald Trump sur les taxes à l’importation laissent les opérateurs du monde entier plongés dans le doute. Le Mexique bénéficie d’un report des tarifs américains de 25 % sur l’ensemble de ses produits jusqu’au début d'avril. Pourtant, les besoins croissants du premier importateur mondial et la sécheresse qui sévit depuis plusieurs mois, semblent incompatibles avec une guerre commerciale entre les deux pays, du moins sur le plan agricole. Sur l’ensemble du maïs américain acheté, encore près de 7,5 millions de tonnes n’ont pas été chargées. Les très bonnes ventes américaines à l’exportation depuis le début de campagne mettent ainsi les exécutions à risque. Face à ces incertitudes, le prix du maïs américain cède sur les quinze derniers jours près de 20 $/t à 212 $/t Fob Golfe. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Les relations se dégradent aussi avec l’Europe. La Commission a d’ailleurs mis en place 25 % de taxes sur de nombreux produits, dont le maïs à partir du 1er avril. Plus de 2,5 millions de tonnes ont été achetées cette année, notamment par l’Espagne et les Pays-Bas. Cette fois-ci, la majorité des volumes a bien été chargée, portant le risque d’approvisionnement davantage sur la campagne de 2025-2026. Les importateurs européens seront néanmoins très vigilants quant au potentiel de production de l’hémisphère Sud. Ce mois-ci, l’USDA, équivalent américain du ministère de l’Agriculture, laisse inchangées ses estimations de production au Brésil et en Argentine, respectivement à 126 et 50 millions de tonnes. À l’heure où près de 8 % des surfaces argentines ont été battues, la Bourse de Rosario se montre plus alarmiste et dégrade son estimation à 44,5 millions de tonnes.

Dans un contexte aussi incertain, les fondamentaux sont toutefois relégués au second plan. Le maïs rendu Bordeaux cède ainsi 2 €/t sur les deux dernières semaines, à 203 €/t, étant aussi mis sous pression par le rebond de la parité de l'euro face au dollar. Malgré ce regain de compétitivité, FranceAgriMer diminue ses objectifs de consommation, que ce soit à la ferme, en amidonnerie ou auprès des fabricants d’aliments du bétail. Les problèmes de qualité incitent l’office à alourdir les stocks de report français à 3,1 millions de tonnes, contre 2,8 millions de tonnes auparavant.

Repli du colza dans le sillage du canola canadien

Les cours du colza ont une nouvelle fois corrigé cette semaine, en baisse hebdomadaire de 32 €/t, pour revenir en dessous de 500 €/t Fob Moselle, à 472 €/t et au plus bas depuis le mois de septembre. L’actualité est au centre des préoccupations. Après les États-Unis la semaine dernière, la Chine a annoncé une augmentation des droits de douane à 100 % sur l’huile et les tourteaux de canola canadien. À l’heure où 35 % des exportations de tourteaux prennent habituellement la direction de la Chine, le Canada se voit privé de l’un de ses principaux débouchés, d’autant plus que l’autre partie est exportée vers les États-Unis.

Dans ce contexte, le marché canadien du canola chute et entraîne dans son sillage le colza européen. La géopolitique est de retour sur le devant de la scène et la tension actuelle des fondamentaux en Europe est relayée au second plan. Les besoins d’importation restent tout de même records cette année mais le rationnement de la demande se met en place. Le repli de la graine sera à surveiller, pouvant entraîner un retour de la demande.

Les regards se tournent également vers la nouvelle campagne. Les perspectives de production sont pour le moment optimistes par rapport à l’an passé, notamment en raison des hausses de surfaces en Europe de l’Est, notamment en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie. Selon le Coceral, la production européenne pourrait s’afficher autour de 19,2 millions d’hectares, soit une hausse de 2 millions de tonnes par rapport à l’an passé. Les surfaces françaises ont peu évolué mais la hausse des rendements pourrait permettre à la récolte de repasser au-dessus de 4 millions de tonnes à l’échelle locale. Ces volumes sont tout de même nécessaires afin de détendre des bilans actuellement serrés.

Brésil et Argentine équilibrent le bilan de soja sud-américain

Les enseignements de la semaine ont été riches pour le marché des tourteaux. D’un point de vue géopolitique, l’Europe a répondu aux menaces de sanction des États-Unis. À partir du 1er avril prochain, une taxe à l’importation sera mise en place contre les produits américains. Cette mesure pourrait même amener à une seconde vague de taxes dès le 13 avril en fonction de la riposte américaine. C’est donc dans ce contexte de guerre commerciale menée par les États-Unis, que la parité de l'euro face au dollar évolue désormais au-dessus de 1,08.

Par ailleurs, de nombreuses publications sur le marché des matières premières sont parues au cours de la semaine. L’USDA a ouvert le bal ce mardi 11 janvier avec son rapport mensuel. Le bilan en graine de soja a même surpris en raison de la baisse des stocks mondiaux de fin de campagne estimés maintenant à 121,4 millions de tonnes. Outre les réajustements à la marge, c’est principalement la hausse de trituration chinoise et argentine qui a pesé sur la consommation et donc les stocks.

Du côté des perspectives de production en Amérique du Sud, le ministère de l’Agriculture américain reste confiant sur son chiffre de 169 millions de tonnes au Brésil. La publication de l’office brésilien du 13 mars tend à lui donner raison puisque la Conab (compagnie nationale d’approvisionnement au Brésil) revoit en hausse son estimation de récolte à 167,4 millions de tonnes, soit +1,4 million de tonnes par rapport au mois précédent. En Argentine, les avis sont plus partagés. D’un côté les conditions de cultures gagnent au cours de la semaine 3 points pour atteindre 32 % de bons à excellents. De l’autre, la Bourse de Rosario revoit son estimation de production en baisse de 1 million de tonnes, à 46 millions de tonnes. C’est dans ce contexte que le tourteau de soja converge depuis la fin du mois de janvier en direction des 369 €/t sur son contrat Spot délivré Montoir.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : Taxes européennes à l’encontre des produits agricoles américains (maïs, soja), taxes chinoises à l’encontre des huiles et des tourteaux de canola canadien, report au 2 avril des droits de douane américains contre le Canada et le Mexique, suivi des ventes à l’exportation hebdomadaires aux États-Unis, rythme des importations européennes (maïs, colza/canola), évolution de la parité euro/dollar, évolution des conditions de culture des blés dans l’hémisphère Nord, temps chaud et sec dans le bassin de la mer Noire, débouchés du blé français sur la scène internationale, avancée de la récolte en Argentine, fin des semis et évolution des conditions de culture du maïs safrinha au Brésil.

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