Les prix des céréales et oléagineux européens toujours sous pression
La moisson européenne a beau être décevante, cela ne suffit pas à inverser l’évolution des cours du blé, du maïs, du colza ou du soja dont la récolte s’annonce record dans certains pays.
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Malgré une production européenne en baisse que ce soit en blé, maïs ou colza, la pression ne faiblit pas sur les prix de ces matières premières. Des disponibilités records sont attendues en maïs et soja aux États-Unis, les résultats du célèbre ProFarmer tour animant les discussions sur ce sujet. En face, la demande mondiale manque de dynamisme.
Blé : retour du blé meunier sous les 200 €/t rendu Rouen
Les prix du blé meunier ne parviennent pas à résister à la pression de l’ensemble du complexe céréalier. Ils chutent à 197 €/t rendu Rouen, au plus bas depuis le début de mars. Bien que la récolte ouest-européenne soit décevante, cela ne semble pas suffisant pour le moment pour inverser la tendance en cours.
La production française est annoncée au plus bas depuis 1983. Celle de l’Allemagne est attendue autour de 18 millions de tonnes par le DBV, principal syndicat agricole du pays, un plus bas au moins depuis 2008. De son côté, la demande internationale peine à se dynamiser, malgré un nouvel appel d’offres tunisien. Le dernier appel d’offres de l’acheteur étatique égyptien a déçu et les négociations privées menées par la suite pour renforcer les stocks domestiques n’ont pas encore abouti.
Autre symbole de cette faible dynamique, les exportations russes sont moins importantes que prévu en ce début de campagne. Elles laissent mécaniquement plus de volumes à exporter au cours des prochains mois.
Dans ce contexte, le blé français cherche à maintenir une certaine attractivité, que ce soit sur la scène intra- ou extra-européenne. Au vu des disponibilités réduites cette année, toute avancée sur l’objectif export français permettra de reconstruire une prime vis-à-vis des autres grands exportateurs.
Maintenant que la moisson se termine dans la majorité des pays de l’hémisphère Nord, les regards se tournent plus au Sud. Après des semis tardifs, les indices de végétation s’améliorent ces dernières semaines en Australie. De la même façon, le retour de quelques précipitations en Argentine améliore les conditions de culture : 39 % des surfaces de blé sont en bon ou excellent état, selon la Bourse de Buenos Aires.
Maïs : vers des rendements records aux États-Unis ?
Face aux conditions de culture quasi optimales jusqu’à présent, les disponibilités de maïs aux États-Unis tendent vers un record à plus de 430 millions de tonnes selon le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA). Si l’office américain projette un rendement historique à 11,49 t/ha, une confirmation de terrain était attendue cette semaine avec la tenue du fameux ProFarmer tour.
Une certaine divergence se dégage des résultats. Les rendements prévisionnels issus de ce crop-tour sont quelque peu décevants, à l’instar de celui de l’Illinois, second État producteur de maïs, à 13,72 t/ha contre 15,13 t/ha pour l’USDA.
Cela ne remet pas encore en question la lourdeur du bilan américain. Les bonnes ventes hebdomadaires à l’exportation cumulées à des ventes exceptionnelles de maïs devront se poursuivre au cours des prochains mois, et ce d’autant plus compte tenu des achats chinois moins importants que prévu sur la nouvelle campagne. Afin de s’assurer un débouché à l'exportation, le maïs américain recherche la compétitivité, restant plus de 20 $/t moins cher que le maïs ukrainien.
Ne parvenant pas à résister à cette pression outre-Atlantique, le maïs rendu Bordeaux cède 2 €/t supplémentaires pour tomber à 191 €/t. La céréale européenne peut néanmoins maintenir un écart de prix élevé par rapport à l’origine américaine. En effet, si la part des surfaces françaises en bon ou excellent état se stabilise à 76 % selon FranceAgriMer, les conditions de culture continuent de se dégrader en Roumanie, Bulgarie et Ukraine confrontées à une météo toujours caniculaire.
Colza : le support des 450 €/t menacé pour la graine française
Le prix de la graine de colza reste soumis à l’influence du marché des huiles. Entre le 24 juillet et aujourd’hui, l’huile de colza Fob Rotterdam a cédé 84 €/t avant de se consolider cette semaine vers 915 €/t. Longtemps en prime par rapport à ses concurrents palme ou soja, l’huile de colza a perdu une partie de sa demande locale dans le but de répondre aux baisses de production rencontrées sur l’ouest de l’Europe.
Avant d’aborder ce sujet lié à la récolte européenne, il est nécessaire de souligner la fermeté des prix de l’huile de palme en Malaisie qui pourra apporter à court terme un soutien aux huiles végétales européennes. Malgré le ralentissement de 22 % des exportations malaisiennes sur la première quinzaine d’août, les perspectives de hausse de la demande locale avec la mise en place du biodiesel B40 à l'horizon de 2025 poussent les prix locaux à se consolider au-dessus des 3 900 ringgits/t. Bilan, l’huile de palme CIF Rotterdam gagne au cours de la semaine 42 €/t. Ce soutien permet pour le moment à la graine de colza Fob Moselle de préserver son support des 450 €/t en sursis depuis le début du mois d’août.
Les déceptions liées à la récolte européenne se sont confirmées à l’image de l’Allemagne où la dernière estimation de production du syndicat des coopératives DBV atteint 3,68 millions de tonnes, soit une baisse de 6 % par rapport à la précédente moisson. L’Europe devra donc avoir recours à des importations de près de 7 millions de tonnes afin d’équilibrer son bilan.
Si les flux depuis l’Ukraine sont déjà en place depuis le mois de juillet, ceux depuis le Canada pourront prochainement s’amorcer. D’une part, la récolte débute localement. Celle-ci est réalisée à hauteur de 2 % dans l’État du Saskatchewan et apportera d’ici à quelques semaines de la liquidité au marché. D’autre part, la compétitivité de la graine de canola canadien est déjà présente puisque 70 $/t la séparent du prix du colza français. Celle-ci s’accroît également au rythme du renforcement de la parité entre l’euro et le dollar qui s’établit aujourd’hui au-dessus des 1,1100.
Soja : les perspectives d’approvisionnement en graines sont suffisantes
Le marché des tourteaux du soja rebondit à la faveur d’un moment d’accalmie dans la baisse de la graine de soja à la Bourse de Chicago. Le prix du tourteau de soja délivré Montoir sur son contrat spot gagne cette semaine 16 €/t et revient à 400 €/t. À quelques semaines de la récolte aux États-Unis, les incertitudes persistent autour du potentiel de production final américain. Le ProFarmer tour très suivi pour ses résultats en maïs présente également ses prévisions de rendements de soja.
Ces rendements ressortent au plus haut depuis trois ans, voire dans certains États sur des records quasi historiques confirmant en partie les attentes du dernier rapport de l’USDA. À la différence du maïs, le soja reste sensible aux conditions météorologiques notamment sur sa fin de cycle. Ainsi, le prix de la matière première restera sensible à tout aléa au cours des prochaines semaines.
À l'horizon d’un mois, les opérateurs tourneront également leur regard vers l’Amérique du Sud à l’approche des semis de soja au Brésil. Les conditions actuellement sèches et chaudes sont saisonnières bien que celles-ci limitent pour le moment le remplissage des réserves hydriques. Sur un aspect économique cette fois-ci, la forte baisse des prix de la graine de soja pourrait également être un facteur limitant dans la volonté des producteurs d’emblaver les surfaces.
L’approvisionnement mondial en matière première n’inquiète pas les acheteurs qui continuent de jouir de la baisse des prix. Ainsi, l’activité industrielle reste soutenue aussi bien en Amérique qu’en Europe. Dans son premier rapport de la campagne, la trituration de colza au cours du mois de juillet, selon la Fediol, dépasse 1,6 million de tonnes.
(1) Société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
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