Coup de chaud sur les marchés deux jours après la fin du corridor ukrainien
Les analystes n’envisagent cependant pas une envolée des prix comme en 2022. La situation reste en effet moins tendue, de bonnes récoltes étant attendues en Europe, en Russie ou au Brésil, et les exportations étant maintenues par d’autres voies en Ukraine.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Alors que les marchés des céréales avaient peu réagi le lundi 17 juillet 2023, à la suite de la décision de la Russie de ne pas renouveler le corridor maritime d’exportation en mer Noire, blé comme maïs ont rebondi deux jours plus tard, le mercredi 19 juillet, retrouvant leur niveau d’avril sur la Bourse européenne.
Si la suspension de l’accord était anticipée par le marché, l’intensification des attaques aériennes russes, visant mercredi les ports céréaliers ukrainiens d’Odessa et Tchornomorsk, a entraîné les cours à la hausse sur Euronext comme à la Bourse de Chicago. À cela s’ajoute la menace de la Russie, plus tôt ce mercredi, de considérer comme cible militaire tout navire se dirigeant vers les ports céréaliers ukrainiens de la mer Noire. Plusieurs assureurs ont affirmé à l’AFP mettre fin à leur couverture des risques dans la zone. L’Ukraine réclame quant à elle des escortes internationales pour ces cargos.
Pas le même scenario de prix qu’en 2022
« On ouvre une nouvelle page d’incertitude sur le marché des grains, mais on n’est en aucune mesure face au choc subi sur les marchés après l’invasion de l’Ukraine en février 2022 », a affirmé Sébastien Poncelet, analyste chez Agritel, à l’AFP.
Au micro de France Info jeudi 20 juillet, Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, relativise également. Si les céréales ont clôturé mercredi autour de 250 €/t, cela « reste deux fois moins qu’au pic » de 2022 où le blé avait notamment grimpé jusqu’à 430 €/t, analyse-t-il. Le spécialiste y voit deux facteurs explicatifs. « La campagne de 2022-2023 a été excellente dans le reste du monde, que ce soit en Russie, en Australie, au Brésil… donc les marchés ont été plutôt bien approvisionnés, explique-t-il. D’autre part, l’Ukraine, malgré la guerre, a quand même maintenu plus d’exportations non seulement par le corridor céréalier, mais au travers de l’Europe et au travers aussi de la petite langue de terre qui, passant sous la Moldavie, permet à l’Ukraine d’avoir un accès sur le Danube. »
« Les opérateurs ukrainiens affirment avoir la capacité d’exporter jusqu’à 3,8 millions de tonnes par mois par les voies alternatives : terrestres, ferroviaires et fluviale, via le Danube », ce qui pourrait couvrir un volume d’exportation en baisse, a précisé Damien Vercambre, courtier chez Inter-Courtage à l’AFP.
Les pays voisins de l’Ukraine inquiets
Pour Philippe Chalmin, la fermeture du corridor pourrait plus impacter le maïs que le blé, ce dernier ne représentant que 17 millions de tonnes sur les 50 millions de tonnes de céréales exportées par l’Ukraine en 2022-2023. « Les acheteurs de maïs, ce ne sont plus les pays pauvres, ce sont des pays qui importent du maïs pour leur alimentation animale, comme la Chine », ajoute-t-il.
Par ailleurs, les cinq pays voisins de l’Ukraine (Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie et Bulgarie), ont demandé à l’Union européenne de leur permettre de prolonger les restrictions qu’ils ont imposées aux importations de céréales ukrainiennes pour protéger leurs agriculteurs au-delà du 15 septembre, date de leur expiration, a annoncé mercredi le ministre polonais de l’Agriculture.
La Russie prête à revenir à l’accord
Lors d’une réunion gouvernementale retransmise à la télévision le mercredi 19 juillet, Vladimir Poutine a assuré que la Russie était prête à revenir à l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes si ses demandes sont réalisées « dans leur totalité », sans quoi sa prolongation « n’a plus de sens ». Le président russe a accusé les Occidentaux de se servir de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, comme outil de « chantage politique ».
D’après les informations d’un responsable de la Maison Blanche rapportées par l’AFP, la Russie envisage des attaques sur des navires marchands transportant des céréales d’Ukraine en mer Noire pour ensuite accuser Kiev.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :