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Le service de proximité des concessionnaires est chamboulé

Mecavista, branche équipement de la CAL, est passée de John Deere à Fendt en 2023, entraînant un effet domino dans tout le Grand Est.

Dans un marché en forte baisse, les distributeurs de matériels agricoles subissent les changements de marque imposés par les tractoristes tout en composant avec l’arrivée d’investisseurs venus de l’automobile.

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Les concessionnaires de matériels agricoles ont le blues. Lors de la dernière enquête de conjoncture dévoilée en décembre 2024 par le Sedima (syndicat des distributeurs de matériels agricoles), ils étaient plus de 78 % à déclarer une baisse significative dans les prises de commande de tracteurs, en neuf comme en occasion. La campagne catastrophique de 2024 semble bien partie pour se prolonger au moins jusqu’à la moisson de 2025.

En plus de l’évolution du marché, la gestion des stocks, l’augmentation du prix des machines et la trésorerie font partie des principales préoccupations des distributeurs en ce début d’année. « Comme toujours, les concessionnaires sont pris en étau entre les constructeurs qui réduisent leurs délais de paiement et les agriculteurs qui ont du mal à régler leurs factures, résume Anne Fradier, la directrice générale du Sedima. Quand les premiers exigent d’être payés sous 30 jours, les délais peuvent atteindre 40 à 50 jours chez les clients. » Dans ces conditions, plus des deux tiers des concessionnaires déclaraient avoir une trésorerie difficile, voire très difficile en décembre 2024.

Redistribution des cartes

En plus de l’instabilité du marché, les concessionnaires sont confrontés à la réorganisation des réseaux chez certains constructeurs, notamment ceux qui réalisent les plus importantes parts de marché. Ainsi, John Deere poursuit la redistribution de sa carte dans le Grand Est. Après l’arrêt du contrat de la CAL (Mecavista) en 2023, c’est une nouvelle coopérative qui quitte le réseau du constructeur américain en ce début de 2025. Démeterre, qui appartient à Terre comtoise et est implanté en Franche-Comté, distribuera désormais Massey Ferguson. Alors que John Deere remonte actuellement un réseau ex nihilo pour remplacer Mecavista en Lorraine, en s’appuyant sur son distributeur alsacien Haag, il n’a pas encore communiqué sur la reprise de la carte détenue par Terre comtoise.

En parallèle de ce changement de marque, Déméterre intègre à son réseau cinq sociétés, avec l’arrivée d’Avenir Motoculture, ainsi que Claudagri et Georges Équipement, deux concessionnaires vosgiens récemment passés sous les couleurs de Massey Ferguson et enfin R. Brun & Fils et Vallet. En Lorraine, l’effet domino lié à l’arrivée des cartes Fendt et Valtra chez Mecavista se poursuit. Ainsi, le groupe EMC2 passe de Fendt à Case IH et dans les Vosges, Claudagri prend la carte Massey Ferguson tandis que Mecavista assurera la distribution des tracteurs Valtra sur ce secteur.

Un secteur qui attire

L’autre phénomène qui perturbe les concessionnaires est l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. Ainsi, des poids lourds de l’automobile investissent dans de grosses concessions agricoles. « Ils n’ont pas la rentabilité qu’ils espèrent dans l’automobile et le poids lourd et ils croient dans l’agricole. Dans notre secteur, il y a toujours une des activités ou un marché qui compense la faiblesse des autres, sauf cette année », analyse Anne Fradier. Ainsi, la distribution de John Deere dans le Grand Est ne représente qu’une toute petite partie de l’activité du groupe Haag, qui possède, entre autres, Transalliance, une entreprise spécialisée dans le transport et la logistique.

Toujours dans le réseau John Deere, le groupe BPM, acteur majeur dans l’Hexagone de la distribution de véhicules de haut de gamme vient de créer sa filiale BPM Agri. Cette entreprise a repris à la fin de 2023 deux concessions John Deere du Grand Ouest, Agréom et Ouest Agri, formant ainsi le plus gros concessionnaire John Deere de la région. En décembre 2024, BPM a encore étendu son territoire avec l’acquisition des Établissements Chesneau et de Chesneau Agri Ouest, deux distributeurs historiques de la marque John Deere dans le centre et l’ouest de la France.

Toujours dans le Grand Ouest, c’est le groupe suisse Emil Frey, un géant de l’automobile qui possède entre autres Autosphère, qui s’implante dans le réseau Case IH avec les rachats successifs de Bretagri puis Gabagri (Gabillet, Terrinov et Mac). Dans le réseau Claas, le groupe Gueudet, qui a construit son entreprise de distribution automobile avec la marque Renault, poursuit sa diversification dans l’agricole avec l’acquisition à la fin de 2024 du marnais Primault.

Préserver le service

Le Sedima garde un œil sur cet appétit débordant du secteur automobile, qui a tendance à s’amplifier depuis un an. « Entre ces investisseurs avec des codes différents et les constructeurs qui imposent toujours plus de contraintes aux concessionnaires, certains pourraient renoncer à vendre des tracteurs et se concentrer sur les matériels tractés », prévient Alexandre Mortier, le président du Sedima. Quand ils ne sont pas tout simplement contraints de mettre la clé sous la porte comme le breton SDMA-CFHem'Agri en novembre dernier.

Anne Fradier s’inquiète surtout de la préservation d’un des derniers services de proximité du monde rural. « Quand des gens investissent dans notre secteur, ils croient dans les possibilités d’y gagner de l’argent, ce qui est plutôt sain, rappelle la directrice générale. Mais il ne faut pas oublier que l’enjeu, c’est le service de proximité. D’ailleurs cette année, seuls l’atelier et le magasin de pièces se portent bien. Même s’il y a des roues et un moteur sur un tracteur comme sur une voiture, les méthodes de l’automobile ne peuvent pas faire un copier-coller avec l’agricole. Les changements de modèles ne doivent pas se faire au détriment de la maintenance. »

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