Des associations de loisirs alertent sur la disparition des chemins ruraux
Alors qu’une proposition de loi est en préparation, l’association Codever, qui défend l’usage des chemins ruraux, regrette leur disparition.
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Randonneurs, vététistes, cavaliers et motards tirent la sonnette d’alarme sur la disparition des chemins ruraux. C’est le message porté par l’association Codever qui compte 260 associations et 120 entreprises adhérentes et qui défend la liberté de circuler des usagers des « loisirs verts » sur les chemins.
Elle estime à 250 000 kilomètres le linéaire de chemins disparus depuis 1950. Il en resterait moins de 750 000 kilomètres « dont une large part inutilisable ». Ces chemins qui ont la particularité d’appartenir au domaine privé des communes sont affectés à l’usage du public.
L’agriculture pointée du doigt
L’agriculture n’est pas innocente selon le Codever. Depuis l’après-guerre, les mensurations des engins agricoles qui ont grossi au fil des décennies ont fini par rendre certains chemins plus modestes inadaptés. Moins utilisés, ils ont fini par s’embroussailler. Le passage des piétons et des vélos ne suffisant pas à le maintenir en état. « Nous ne demandons pas aux agriculteurs d’acheter des tracteurs plus petits. Ces chemins doivent pouvoir être laissés à la circulation des randonneurs motorisés autant que possible. Cette catégorie de randonneurs, par leur passage, empêche naturellement de laisser la broussaille se développer », estime Charles Peot, directeur du Codever dans une conférence de presse organisée le 13 février 2024.
Les communes n’ont aucune obligation d’entretenir les chemins. Elles n’ont pas non plus toutes les moyens financiers pour le faire. Tout en incitant les randonneurs à œuvrer eux-mêmes à l’entretien des chemins, le collectif recommande aussi aux maires de rappeler aux riverains leur obligation d’entretenir leurs haies bordant la voie.
Alors que des remembrements ruraux, des opérations d’aménagement routiers ou la création de zones d’activités ont pu avoir pour conséquence de supprimer des chemins, le Codever défend la création des chemins en bordure de parcelles ou des routes pour maintenir la continuité des itinéraires.
Des agriculteurs entraveurs
Le collectif mène une croisade sur l’accaparement des chemins par les riverains qui peuvent compter dans leurs rangs des agriculteurs. « Il y a un accaparement quand un riverain s’approprie un chemin rural en entravant son accès, en le labourant ou même en construisant sur le chemin, observe Charles Peot. Une fois entravé, il n’est plus ouvert à la circulation du public. Au bout de quelques années, le riverain va venir voir le maire pour proposer d’acheter le chemin non utilisé. Et souvent les communes préfèrent vendre le chemin. » Des affaires dont le nombre est croissant selon le collectif qui plaide pour une interdiction de vente des chemins à ces riverains « voleurs » selon ses termes et la possibilité pour les communes de récupérer rétroactivement les voies aliénées. Des ventes qui se font parfois à l’euro symbolique.
Le maire dispose bien d’un pouvoir de police que lui octroie le code rural pour faire cesser l’entrave mais son application reste difficile. « Il y a une ignorance de certains maires sur la complexité des chemins ruraux. Certains ne savent pas que la prescription trentenaire s’applique aux chemins ruraux. C’est grave », témoigne Carlos Martinez, maire d’Estivaux, commune de moins de 500 habitants en Corrèze.
Une proposition de loi en préparation
Un sentiment partagé par Stéphane Delautrette, député socialiste de la Haute-Vienne et qui fut aussi maire pendant quinze ans d’une commune de 600 habitants. L’élu veut porter une proposition de loi pour améliorer la protection des chemins ruraux. Il a annoncé qu’il travaillera en mars à la constitution d’un groupe de travail transpartisan pour commencer à mener un cycle d’auditions sur le sujet. Il vise un dépôt de sa proposition de loi à la fin du premier semestre de 2024. « Des choses sont à faire pour garantir aux communes la propriété de leurs chemins comme l’interdiction à tout riverain de s’accaparer un chemin rural au prétexte qu’il en ait assuré l’entretien », détaille le député.
Un débat qui s’organiserait deux ans après le vote de loi dite « 3DS ». Ce texte comportait plusieurs mesures pour préserver les chemins comme la possibilité désormais offerte aux communes d’échanger le chemin contre une autre partie d’une parcelle pour remplacer.
La loi 3DS a laissé sur sa faim le Codever. Alors que le collectif observe une large méconnaissance des communes du réseau des chemins ruraux qui traversent leurs territoires, l’inventaire mis à la charge des maires par la loi 3DS est un pas en avant mais celui-ci reste facultatif. Peu de communes l’auraient réalisé.
L’exemple des Hauts-de-France
Dans le nord de la France, l’association Chemins des Hauts-de-France propose à des communes de réaliser l’inventaire de leurs chemins. Exclusivement composée de bénévoles à sa création en 2004 par les fédérations des chasseurs et de randonneurs, l’association dispose désormais d’un salarié pour chacun des cinq départements des Hauts-de-France depuis que la Région a décidé de subventionner l’association en plus des moyens financiers et des locaux mis à la disposition par les fédérations des chasseurs. Une initiative qui reste unique en France. Un salarié réalise son inventaire en cinq jours pour un coût de 700 € facturé aux communes. Un coût modeste qui peut s’avérer « énorme pour des petites communes », précise Nadia Buttazoni, présidente de l’association.
Depuis 2004 et sur les plus de 500 communes recensées par l’association, 17 % du linéaire des chemins ruraux ont disparu sur environ 9 000 kilomètres. 2 % sont fermés naturellement et 15 % ont été entravés volontairement. Concernant les chemins encore ouverts, 18 % de leur linéaire a été rogné par l’agriculture, estime l’association.
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