Energies fossiles La guerre au fioul et au GNR en agriculture se prépare
Changement de motorisation, électrification et robotisation : un rapport du ministère de l'agriculture dévoile les pistes envisagées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la production agricole.
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Le compte à rebours a commencé pour les énergies fossiles en agriculture, fioul et GNR en tête. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) adoptée en avril 2020 attribue des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour chaque secteur de l’économie. Pour l’agriculture, la SNBC vise une réduction de 18% en 2030 et de 46% d’ici à 2050, par rapport à 2015.
Les énergies fossiles sont responsables de 11% des émissions de GES de la production agricole. Et ce sont eux qui sont la cible privilégiée. Même si cela ne suffit pas à atteindre les objectifs de la SNBC, l’objectif est de remplacer 100% des usages actuels des énergies fossiles par des énergies renouvelables.
Trois pistes principales
Dans un rapport remis au ministre de l’Agriculture au début de janvier, le CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, le bureau d'étude interne au ministère de l'Agriculture) décline un véritable plan de bataille pour éradiquer l’utilisation du GNR et du fioul dans l’agriculture, à l'horizon de 2050.
Les économies d’énergie, notamment avec la mise en place d’une conduite adaptée et d’une adaptation des bâtiments d’élevage ne permettront de réduire la consommation actuelle que de 15%, dans le meilleur des cas. La marge de manœuvre la plus importante se trouve donc dans le remplacement du fioul et du GNR par des énergies renouvelables.
Le ministère propose trois pistes. Pour l’ensemble des tracteurs utilisés dans les champs, en grandes cultures et en polyculture, l’objectif est de changer la motorisation, qui représente 50 % de la consommation énergétique de l’exploitation. Les moteurs au diesel actuels devront être remplacés par des solutions au bio-GNV (biométhane), au biodiesel B100 ainsi que, dans une moindre proportion, par l’hydrogène et l’électricité.
Pour les bâtiments d’élevage, seule la solution électrique est retenue. Paillage, alimentation, raclage : toutes les astreintes assurées aujourd’hui par des outils attelés à des tracteurs ou des machines automotrices devront être confiées à des solutions électriques, fixes ou mobiles.
Pour les serres chauffées (1 000 ha), le CGAAER préconise d’utiliser la chaleur fatale. Cela implique la présence de data-centers ou d’industries agroalimentaires ou de chimie à proximité. À la marge, la chaleur fatale peut être remplacée par de la biomasse.
Changer la motorisation
Pour impulser l’adoption de moteurs alternatifs, le ministère préconise d’augmenter progressivement la fiscalité sur le GNR, jusqu’à supprimer la détaxation.
L’ensemble du parc français représente 800 000 tracteurs qu’il faudra remplacer. Dans son scénario le plus offensif, le CGAAER envisage de substituer 200 000 tracteurs d’ici à 2031, en grande partie sur les moyennes et grandes exploitations.
- Développer le bio-GNV : Pour les experts, au moins les trois quarts de ces nouveaux tracteurs seront équipés d’un moteur au biométhane. Afin de faciliter leur développement, ils préconisent d’établir une feuille de route avec les constructeurs pour développer massivement l’offre de tracteurs disponibles. La logistique devra suivre également, ce qui impose de mettre en place rapidement avec GRDF, Engie et les énergéticiens intéressés, un plan de déploiement de stations de compression sur le réseau gaz pour avoir 2 000 stations au GNV en milieu rural d'ici à 2028, en plus des 500 à déployer par l'AAMF (agriculteurs-méthaniseurs) à cette même échéance. Le coût total de ce déploiement est estimé entre 80 et 100 millions d’euros.
- Réhabiliter le B100 : Le biodiesel B100, qui était compatible avec les moteurs antérieurs à la norme antipollution Stage 5, ne l’est plus avec cette dernière. L’objectif est de préparer une réglementation permettant aux constructeurs de faire l’homologation de la future norme Euro 6 simultanément pour les GNR et le B100. En effet, la seule homologation B100 n’est pas rentable compte tenu des faibles volumes.
- Déployer les robots : Le CGAAER envisage de remplacer un quart des tracteurs par des robots électriques. Une évolution de la réglementation est indispensable pour espérer développer cette solution à grande échelle. À court terme, seules les petites unités autonomes spécialisées dans le désherbage et adaptées au maraîchage peuvent être déployées. Pour remplacer un tracteur, les robots des champs devront gagner en polyvalence et donc en puissance.
Pousser l’autoconsommation
Pour atteindre les objectifs de la SNBC, tout en maintenant la rentabilité des exploitations, la production d’énergie à la ferme devient quasi indispensable.
Les solutions de microméthanisation de type Nenufar peuvent être déployées sur les exploitations d’élevage pour produire du GNV.
Pour le B100, le rapport évoque les presses à colza, utilisées au début des années 2000 pour produire de l’huile végétale pure. En revanche, il élude la suite du procédé pour obtenir un biodiesel normé B100. À l’échelle de l’exploitation, l’investissement n’est pas du tout comparable.
Enfin, pour produire l’électricité nécessaire à la décarbonation des bâtiments d’élevage, les experts misent tout naturellement sur le photovoltaïque, avec l’objectif d'installer des panneaux sur 65 % des exploitations, au minimum.
Cette liste à la Prévert de solutions pour décarboner l’agriculture ne pourra pas être mise en œuvre sans un soutien massif de l’État. Gageons que les 40 000 euros de subvention envisagés pour l’acquisition d’un tracteur au bio-GNV ou au B100 ne seront pas suffisants.
Enfin, il n’aura échappé à personne que le ministère jette pudiquement un voile sur le devenir des tracteurs qui carburent aujourd'hui au GNR et seront « sortis » du marché français. Seront-ils voués à la casse ou invités à aller polluer ailleurs?
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