La campagne brésilienne en flammes, les villes enfumées

En plein hiver austral, le Brésil fait face à une multiplication inquiétante des foyers d’incendies. L’État de São Paulo dans le sud-est du pays voit des milliers d’hectares de production agricoles consumés tandis que les fumées dégagées atteignent les grands centres urbains de la région. Selon l’Ipam (Institut de recherche environnementale), « 81,29 % des feux sont concentrés dans des zones à usage agricole, telles que celles occupées par les pâturages et la canne à sucre ».

Principale production dans ce secteur, la canne à sucre est donc particulièrement touchée. L’Association des producteurs de canne à sucre Orplana a fait état dans une note de plus de 80 000 hectares brûlés. Elle évoque « une perte estimée de 500 millions de réais » pour les producteurs (environ 81 millions d’euros). Alors que de faibles précipitations ont ralenti la progression des feux, l’heure est déjà à la recherche de la source de ces incendies et certains ont des pistes.

90 minutes pour tout déclencher

Ane Alencar, directrice scientifique à l’Ipam, a étudié les cartes satellites pour dresser ses premières conclusions. « Il n’est pas naturel qu’autant de points chauds apparaissent en peu de temps, surtout dans une région comme São Paulo. C’est comme s’il s’agissait d’un “Jour du feu” », observe-t-elle.

Ce « Jour du feu », fait notamment référence à une action coordonnée de producteurs de l’État du Pará en 2019 qui avaient volontairement déclenché des incendies à plusieurs points stratégique et ravagé des milliers d’hectares de forêt. La suspicion a atteint son paroxysme quand dans cette même analyse, l’Ipam a révélé que les colonnes de fumée attestaient que les feux ont été déclenchés à seulement 90 minutes d’intervalle.

Le climat favorable aux feux

En visite à l’Ibama (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables), le président du Brésil Lula a rapporté ses échanges avec les scientifiques de l’institut, appuyant la piste criminelle de ces feux. « Le président (de l’Ibama) déclaré que, jusqu’à présent, aucun incendie dû à des causes naturelles n’a été détecté. Cela signifie qu’il y a des gens qui allument des incendies illégalement, puisque tous les États du pays ont déjà été avertis et ont interdit l’utilisation du feu contrôlé. »

Ces feux contrôlés étaient autrefois très utilisés dans la production de canne à sucre afin de faciliter la récolte. Une méthode prohibée depuis et dénoncée au sein même de la filière. « Les producteurs de canne à sucre et les usines ne sont pas responsables des incendies et agissent pour éloigner le feu de leur production », a tenu à rappeler l’Orplana.

La police fédérale a pour l’instant appréhendé deux suspects pris en flagrant délit. D’après les autorités, l’un d’eux était équipé d’un bidon d’essence et de photos et vidéos d’incendies sur son portable alors qu’il commençait à incendier un bois.

L’hiver de l’hémisphère Sud est la période dite « sèche » de l’année, mais cette sécheresse a tendance à s’accentuer depuis plusieurs années. Le président du Brésil, Lula, l’a rappelé. « Même les négationnistes ne peuvent pas continuer à nier la crise climatique. Nous devons lutter contre le changement climatique avec beaucoup d’intelligence, d’investissements, y compris le financement des pays les plus riches qui ont déjà dévasté leurs forêts », a-t-il déclaré en réaction aux incendies.

Les habitants dans la fumée

Reste que ces incendies massifs ne concernent pas que les campagnes. Les grandes villes de l’intérieur de l’État et même au-delà subissent de leur côté les épaisses fumées émises par les brasiers à proximité. Ribeirão Preto (720 000 habitants) a été l’une des plus touchées tout comme la capitale de l’État de São Paulo ou celle du pays, Brasilia, mettant les municipalités en alerte pour les problèmes respiratoires.