700 hectares de panneaux solaires pour compenser l’abandon des phytos
Dans le cadre du projet Terr’Arbouts, un collectif d’agriculteurs landais veut se lancer dans l’agrivoltaïsme pour pallier les pertes économiques liées à l’abandon des produits phytosanitaires avec la production d’énergie solaire.
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Dans les Landes, les aires d’alimentation des captages prioritaires de Pujo-le-Plan (forage « Les Bordes ») et de Saint-Gein (forage « Les Arbouts ») sont confrontées depuis plusieurs années à une problématique de pollution de l’eau, au S-métolachlore notamment. Sur cette zone de 2 800 hectares (ha), un changement de pratiques agricoles est nécessaire pour améliorer durablement la qualité de l’eau.
Mais tendre vers le « zéro pesticide » pour éviter ces épisodes de pollution est une démarche coûteuse avec des rendements qui ne sont pas toujours au rendez-vous. C’est alors qu’est né le projet Terr’Arbouts. Trente-cinq agriculteurs, dont les exploitations sont situées au sein de ces aires de captages d’eau, ont décidé de créer en 2019 l’association « Pujo Arbouts Territoire AgriVoltaïsme » (Patav) pour s’engager dans l’agrivoltaïsme. L’idée : « combiner leur exploitation traditionnelle avec la production d’énergie solaire » pour opérer une transition agroécologique viable et durable.
46 îlots photovoltaïques
Pour se lancer dans ce projet de grande envergure, l’association Patav a choisi de se faire accompagner par la société bordelaise GLHD (Green Lighthouse Développement), spécialisée dans l’ingénierie agrivoltaïque et dont l’actionnaire principal est EDF Renouvelables. Sur les 1 460 ha de surface agricole (SAU) exploitée par les agriculteurs du collectif, 700 ha se sont révélés compatibles avec le développement de l’agrivoltaïsme. Ils sont répartis en 46 îlots, de 4 à 15 ha, et étendus sur six communes à l’est de Mont-de-Marsan (Saint-Gein, Hontanx, Le Vignau, Castandet, Pujo-le-Plan et Maurrin).
Du côté technique, les maîtres mots sont simples et robustes. « Nous cherchons des panneaux, qu’ils soient trackers ou fixes, dont on sait qu’ils vont tenir le coup pendant toute la durée du projet et qui sont simples d’entretien. Nous voulons des technologies éprouvées tout en s’adaptant au projet agricole », explique l’entreprise GLHD. Les contraintes liées à la mécanisation agricole ainsi qu’à la présence d’animaux d’élevage ont été prises en compte, avec notamment un espace de travail de neuf mètres entre les pieux battus qui supportent les modules et une hauteur minimale de 1,20 mètre. Le taux d’occupation des panneaux sur chaque parcelle sera, quant à lui, inférieur à 40 %.
Quatre années de concertations
Les îlots sélectionnés pour accueillir des panneaux sont le résultat de quatre années de concertation avec les élus, les riverains, les écologues, les chasseurs, les associations… Pour GLHD comme les membres du collectif Patav, il était important de prendre le temps d’expliquer la démarche en multipliant les rencontres de concertation, les réunions publiques et les ateliers avec l’ensemble des acteurs du territoire. « Les zones d’implantation des panneaux ont été dessinées en concertation avec le territoire : mairies, population, chasseurs… », souligne Jean-Marc Gourdon, l’un des trente-cinq agriculteurs de l’association.
En parallèle, les agriculteurs ont travaillé avec la chambre d’agriculture des Landes et plusieurs bureaux d’études agricoles pour définir ensemble les différentes cultures compatibles avec l’agrivoltaïsme et leurs itinéraires techniques. Leurs choix sont appuyés par la présence du démonstrateur agrivoltaïque Agrolandes afin de tester les effets des panneaux sur diverses cultures du projet mais aussi sur la biodiversité ou l’irrigation.
Un partage des revenus issus du solaire
Le projet Terr’Arbouts repose sur un principe de solidarité entre les agriculteurs de l’association. Les agriculteurs dont les parcelles sont incompatibles avec l’installation de panneaux photovoltaïques bénéficieront, au même titre que les autres, de la redistribution des revenus issus du solaire. « Ce que nous voulions, c’est une garantie de revenu pour pouvoir innover et se passer de tous ces produits phytosanitaires qui aujourd’hui apportent une sécurité dans la production. Cette assurance, on l’a trouvée en mettant des panneaux sur une partie du territoire », explique Jean-Marc Gourdon. « Pour l’agriculteur, ce projet change le dialogue et sa capacité d’investissement car les revenus de l’énergie solaire apportent une sécurité qui peut également servir à remettre la transmission au cœur du débat familial », ajoute GLHD.
Cette mutualisation des revenus permettrait d’amortir les coûts d’investissement liés à la mise en œuvre de nouvelles pratiques agricoles et aux baisses de rendement associées. « Un plant de framboise met trois ans à entrer en production. Le fait d’avoir un revenu avec le photovoltaïque apporte un filet de sécurité qui permet d’investir dans les plantes, dans un système d’irrigation comme du goutte-à-goutte… Cela permet de voir venir et de faire une production de qualité pour les consommateurs », raconte Marlène Duru, jeune agricultrice du collectif Patav qui souhaite s’installer en arboriculture grâce au projet. Les revenus du solaire seraient donc stratégiques pour le développement d’un nouveau modèle économique à la fois viable et durable.
Un projet agricole au cœur de la transition
La protection de la ressource en eau a guidé les divers choix techniques du projet agricole. Pour répondre à cet objectif, le collectif Patav a recherché de nouvelles cultures, dites à bas niveau d’intrants. Sur les parcelles, des rotations de cultures fourragères, d’oléagineux et de cultures riches en oméga 3 ont été retenues, à l’instar des grains de chia, de la cameline, du lin ou du chanvre.
« Ces cultures ont été choisies car elles conviennent bien à la culture sous panneaux. De plus, elles ne demandent pas d’herbicides, très peu de fongicides ou d’insecticides et ce sont des plantes qui demandent peu d’eau. Ce sont des cultures qui sont conduites en bio », explique Marlène Duru. Ces cultures répondent aussi au déploiement des élevages et aux demandes d’entreprises du territoire comme Protifly, Aqualande ou Oléandes. Par la suite, les agriculteurs de Patav veulent aller plus loin encore, en créant une marque locale « Terr’Arbouts » qui permettrait de valoriser leurs productions.
Une fois opérationnel, Terr’Arbouts produira près de 650 GWh d’électricité par an, soit l’équivalent de la consommation électrique de plus de 140 000 foyers. « L’agrivoltaïsme, si on le met en œuvre pour remplir tous les objectifs de la PPE en photovoltaïque, ne représentera que 0,2 % de la SAU française. L’urgence climatique et économique des agriculteurs impose à tous les acteurs d’être engagés dans cette expérimentation », explique GLHD. Le vote favorable de la CDPenaf des Landes, le 14 novembre 2023, ouvre la voie à la réalisation concrète du projet et prend acte de « l’engagement formel de ses développeurs de répondre aux prescriptions concernant le respect du statut du fermage et des obligations environnementales », indique-t-il.
La promulgation prochaine des décrets d’application sur l’agrivoltaïsme ne changera pas le projet qui « est déjà conforme à la loi », souligne GLHD. Tous attendent maintenant l’obtention des permis de construire, prévus pour juin 2024, afin de débuter les chantiers. Les panneaux solaires de Terr’Arbouts ne devraient apparaître dans le paysage landais qu’en 2026.
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