Les recommandations pour développer l’agriculture de conservation
Le CGAAER fait sept recommandations pour lever les freins techniques et économiques au développement de l’agriculture de conservation. Il préconise notamment « un filet de sécurité » pour les premières années de pratique. Les experts soulignent également des obstacles d’ordre « culturels » à une transition.
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Malgré de multiples avantages portés à son crédit, l’agriculture de conservation des sols (ACS) « ne parvient pas à dépasser le stade du succès d’estime et à se développer au-delà du cercle des seuls initiés », souligne le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dans un rapport publié le 3 novembre 2025. En France, moins de 4 % d’agriculteurs pratiqueraient l’ACS dans sa définition stricte basée sur trois piliers, la couverture permanente du sol, l’absence de travail du sol et la rotation des cultures.
La ministre de l’agriculture a demandé au CGAAER « d’identifier les freins » à son développement, notamment sur le plan économique. Les bénéfices de l’ACS, « tant pour les agriculteurs que pour la collectivité », sont par ailleurs « en phase avec la volonté politique de développer l’agroécologie », indique la lettre de mission du ministère.
Après enquête, la mission d’experts du CGAAER fournit dans son rapport sept recommandations afin de lever les obstacles. Les freins identifiés sont techniques et économiques, en particulier durant la période de transition, mais avant tout d’ordre « sociologiques », selon la mission.
[Dossier] Quel est l’impact de l’agriculture de conservation des sols sur l’environnement ? (23/03/2025)
« Filet de sécurité » contre les accidents de culture
Dès lors qu’il y a plutôt des avantages à migrer du conventionnel vers l’ACS, la mission du CGAAER « estime opportun de […] venir en soutien aux agriculteurs qui souhaiteraient se lancer, mais sans approche contraignante ».
La phase de transition étant délicate sur le plan technique et porteuse de risque financier, les experts estiment que « l’accompagnement des agriculteurs par tous les réseaux professionnels » est essentiel. En parallèle, « la mise en place d’un filet de sécurité pour couvrir les accidents de culture » serait de nature à rassurer face à « l’appréhension que ressentent légitimement les agriculteurs au moment de se lancer ».
Lorsqu’en revanche l’agriculture de conservation est maîtrisée sur l’exploitation, la mission estime que l’ACS « a tendance à se suffire à elle-même du point de vue économique ». De ses échanges notamment avec de nombreux agriculteurs, les experts du CGAAER retirent que les pratiques de conservation permettent de maintenir le revenu des exploitants agricoles « et même souvent de l’augmenter » quand la phase de transition est passée.
Si « l’ACS n’appelle pas nécessairement de soutien financier lorsque le régime de croisière est atteint » selon les experts, ceux-ci soulignent néanmoins « le grand intérêt des démarches de filières qui comportent le versement, par les structures de l’aval (coopératives, transformateurs, distributeurs), d’une prime à l’achat des produits, destinée aux exploitants engagés dans la transition » de leurs pratiques. « Cette approche constitue un levier puissant […] pour construire une chaîne de progrès ».
Accompagner pendant la phase de transition
La phase de transition peut durer plusieurs années avant qu’un équilibre ne soit trouvé dans le nouveau système global d’ACS. « Pendant ce temps, l’agriculteur peut rencontrer des échecs, tâtonner, douter », souligne la mission. Il est alors très important que l’exploitant « soit conseillé par des techniciens compétents et accompagné par d’autres agriculteurs avec lesquels il puisse échanger ».
Le CGAAER constate que « l’ACS part de la base ». Jusqu’à présent, les pratiques de conservation sont « avant tout une affaire d’agriculteurs et de techniciens, souvent pionniers sur leurs territoires ».
La mission recommande ensuite que « la formation initiale et continue des agriculteurs et des techniciens aborde systématiquement l’ACS ».
Mise en place de références
Il n’existe pas à ce jour de données nationales sur l’agriculture de conservation. Et ce « malgré l’existence de plateformes d’expérimentation et de comparaison et la propension forte des agriculteurs ACS à communiquer sur ce qu’ils font ». Par ailleurs, les centres de gestion, de même que les chambres d’agriculture ou le réseau d’information comptable agricole (Rica) ne suivent pas l’ACS en tant que telle sur le plan économique. La mission préconise ainsi de développer la recherche pour établir des références. Ces données devraient être en outre consolidées dans « un observatoire français de l’ACS ».
Le sujet de la santé des sols est aussi au cœur d’une des sept recommandations publiées dans le rapport. Le CGAAER propose d’« élaborer un indicateur synthétique, simple, reconnu et fédérateur sur la qualité et la santé des sols » afin qu’il devienne la référence pour tous les acteurs, autant pour favoriser les échanges que pour piloter les politiques publiques.
Lever « le frein culturel »
Mais « le frein principal au développement de l’ACS est d’ordre culturel », estiment les experts. La mission préconise donc au ministère de l’Agriculture « d’affirmer, par une communication institutionnelle claire, le caractère patrimonial du sol et les effets positifs de l’ACS, afin de susciter une prise de conscience ».
Selon le CGAAER, la promotion de l’ACS fait « progresser l’agriculture sur le chemin de la durabilité et de la souveraineté ».
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