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Viande bovine « Notre ministre est en décalage horaire », selon Jean-Pierre Fleury (FNB)

Échaudée par une crise qui n’en finit pas de fragiliser les éleveurs allaitants, la FNB était attendue par le ministre de l’Agriculture pour échanger sur les mesures nécessaires au redressement de la filière.

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Le mardi 26 juillet 2016, Stéphane Le Foll recevait à son ministère la Fédération nationale bovine (FNB) pour une table ronde. « Nous avons demandé cette réunion à la suite de l’annonce de Bruxelles du versement d’une aide d’urgence de 500 millions d’euros, précise Jean-Pierre Fleury, président de la FNB. Nous voulons donner du sens aux mesures qui vont être prises, et sommes bienheureux que Stéphane Le Foll nous ait reçus. » Néanmoins, les gentillesses s’arrêteront là. Car le cahier de doléances présenté au ministre est épais.

Le premier chapitre repose sur l’impact de la crise laitière sur la production de viande bovine. Rappelons que, le lundi 18 juillet 2016, le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, annonçait l’arrivée d’une enveloppe de 500 millions d’euros d’aides d’urgence répartie entre les États membres. Son but ? Stopper la chute des prix du lait en encourageant financièrement la baisse de production.

« Nous avons dénoncé au ministre l’effet domino qui s’abattra sur l’élevage allaitant », reprend Jean-Pierre Fleury. Ce qui pend au nez de la filière, c’est une arrivée massive de vaches laitières dans les abattoirs, entraînant une nouvelle chute des cours de la viande, ces derniers n’étant déjà pas en bonne santé.

« Il y en a marre que les éleveurs allaitants soient la variable d’ajustement du bazar de la production laitière, souffle Jean-Pierre Fleury. Il n’est pas question d’opposer nos deux mondes, mais il faut que le ministre entende que sans une bonne maîtrise de la production laitière, le risque c’est d’ajouter une nouvelle crise à celle qui nous secoue déjà. C’est irresponsable de pousser la production laitière à se délester ainsi de son cheptel. Notre ministre est en décalage horaire. »

L’Institut de l’élevage estime que les réformes laitières s’accélèrent déjà dans tous les pays membres de l’Union européenne. En Allemagne, sur les 26 premières semaines de l’année, les abattages ont bondi de 17 % par rapport à la même période en 2015. Même tendance aux Pays-Bas, avec 9 % de vaches abattues en plus sur les quatre premiers mois de l’année. Quant à l’Irlande, si les abattages avaient reculé au premier trimestre, ils bondissent de 11 % au second. En Pologne, de janvier à juin, ce sont 226 000 têtes qui sont passées dans les abattoirs, soit 12 % de plus que l’an passé.

« Bruxelles annonce une hausse des abattages de 4 % d’ici à la fin de l’année, et il y aurait entre 120 000 et 150 000 vaches laitières de plus à venir sur le marché européen rien qu’au second semestre, estime Jean-Pierre Fleury. À 320 kg de moyenne chacune, cela fait près de 50 000 tonnes de viande en plus à écouler. »

Doper l’exportation et assainir le marché intérieur

Pour cicatriser les plaies de la filière, la FNB propose deux axes de soin. Le premier porte sur les exportations vers les pays tiers, car le syndicat estime que les débouchés existent mais sont mal valorisés. Iran, Libye, Égypte, Israël sont autant de destinations sur lesquelles la filière pourrait avancer ses pions. « Oui, mais rien n’avance pour simplifier l’obtention des certificats sanitaires, ni pour améliorer l’accès des PME et PMI aux cautions, garanties et crédits d’exportation », dénonce Jean-Pierre Fleury.

Du côté du marché intérieur, la FNB souhaite que soit assainie la situation. Elle propose que soient accompagnées financièrement les plus basses catégories d’animaux afin de les sortir du marché alimentaire classique, pour les orienter par exemple vers de l’aide alimentaire ou du pet-food.

« J’ai senti Stéphane Le Foll réservé, voire réticent face à nos propositions, regrette Jean-Pierre Fleury. Il joue la montre. Or, il n’y a pas d’autres choix que ceux que nous proposons. Nous refusons les mesures de saupoudrage. Ce dont la filière a besoin, ce sont des propositions structurantes pour redresser les cours des marchés. » À ce sujet, il lance aussi un appel à l’aval, dont il ne veut plus « entendre les jérémiades ». Il attend qu’il se positionne dans son sens, avec un marché segmenté et un positionnement qualitatif de la viande.

Enfin, la FNB ne cache pas son inquiétude pour les producteurs. « Ils ne croient plus en rien, constate Jean-Pierre Fleury. La crise a redoublé cette année, et la conséquence dans les semaines à venir, c’est que les éleveurs n’auront plus de quoi payer leurs fournisseurs. » Néanmoins, il ne veut pas voir le verre à moitié vide. « Nous ne sommes pas démunis, nous avons des solutions, mais il faut faire en sorte que toute la filière les partage », rassure-t-il avant de conclure : « une crise qui dure, c’est une mutation. »

h.chaligne Hélène Chaligne Journaliste au service de l’élevage HeleneChaligne

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