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L’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne reste à préparer

La France n'a plus l'influence en Europe qu'elle avait lors des précédents élargissements, et doit se préparer, selon le CGAAER.

Le CGAAER du ministère de l’Agriculture a étudié l’éventuelle entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne sous le prisme des élargissements précédents.

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Si nous en sommes encore loin, une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (UE) fait son chemin. Le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) du ministère de l’Agriculture a publié en février 2025 un rapport sur les effets pour l’agriculture et la Pac des élargissements de l’Union de 2003, 2007 et 2013. À partir de ses observations, le CGAAER apporte plusieurs éléments sur l’entrée du géant agricole ukrainien.

Compétitivité à l’exportation

Première observation, un rappel sur la puissance agricole ukrainienne. « Il en ressort une forte compétitivité d’une partie de cette agriculture à l’exportation, qui concurrence directement certaines productions agricoles de l’UE-27 ». Et de préciser, « en moyenne, au cours des années 2018-2020, l’Ukraine a exporté 50 millions de tonnes de céréales, faisant d’elle le quatrième plus gros exportateur de céréales au niveau mondial. […] Depuis 2016, l’Union européenne est la principale destination d’exportation, pour une valeur de 7,7 milliards d’euros en 2021. »

Impact sur le budget de la Pac

Cette puissance se traduirait par un bouleversement du budget et de la Pac. « Une étude de juin 2024 estime ce coût à 136 milliards d’euros, ou 110 si les territoires occupés devaient le demeurer, dont 32 milliards pour la politique de cohésion, 85 pour la Pac, sans oublier le coût de la reconstruction, estimé à cette date à quelque 500 milliards. » Une adhésion se traduirait donc par une baisse des subventions pour les États membres et nécessiterait une entrée en douceur.

Plusieurs hypothèses

Le CGAAER évoque plusieurs scenarios pour y parvenir. Une adhésion plus tardive, autour de 2040, ou une adhésion progressive pour « financer progressivement l’adhésion puis les politiques européennes ». Les rédacteurs mentionnent aussi une application partielle des politiques européennes, un scenario qu’ils qualifient eux-mêmes de peu réaliste tant il serait « délétère pour les relations futures ». Le dernier scenario est le versement des aides, seulement quand sera acquis l’ensemble « des normes environnementales et sociales » européennes. Question de compétitivité.

Un air de déjà-vu

En reprenant les archives des différents élargissements européens, les rédacteurs observent une constante. L’entrée de nouveaux pays a toujours suscité des inquiétudes plus ou moins intenses dans les rangs des agriculteurs français. « L’élargissement vers le sud de la CEE (1986) avait rencontré une très forte opposition dès la fin des années 1970, les agriculteurs français, en première ligne », relate le CGAAER, qui liste ces inquiétudes.

« La concurrence espagnole sur les marchés du vin, des légumes et des fruits. L’élargissement vers l’Est leur faisait craindre une concurrence en matière de céréales, d’oléagineux, de produits laitiers et de volaille », expliquent-ils. Ces inquiétudes étaient tempérées par les potentiels investissements sur place et la main-d’œuvre supplémentaire disponible.

Reste que la préoccupation principale demeure encore et toujours la Pac. « Culturellement, la Pac, construite autour d’une idée française, avantageait la France. Les mesures compensatoires mises en place en 1992 restaient perçues comme un droit, même si elles étaient devenues des aides directes, sans plus de référence à la notion de compensation. » Dans ce domaine, plusieurs des pays ayant rejoint l’Union européenne, notamment de l’Est, sont devenus des alliés de la France.

La France doit se préparer

Dans cette difficile équation, le CGAAER met aussi en avant les apports de l’Ukraine sur l’approvisionnement de l’Union européenne de certains produits agricoles aujourd’hui importés, couplé au gain géopolitique qui viendrait avec la force de frappe ukrainienne sur les marchés à l'exportation internationaux. Mais il prévient aussi que la France doit travailler pour que cette hypothétique adhésion se passe au mieux.

Ils préconisent une organisation nationale pour que le pays soit prêt à la « mi-2025 au plus tard, pour aborder les négociations du prochain cadre financier pluriannuel (CFP 2028-2034), qui englobera notamment réforme de la Pac et élargissement de l’Union européenne », insistent-ils. Ils recommandent en outre de « définir le projet agricole français que la future Pac devra servir, en identifiant les opportunités que le nouvel équilibre européen pourrait offrir à l’agriculture française ».

Dans un contexte géopolitique difficile, le CGAAER rappelle « l’importance géostratégique pour l’Union européenne de maintenir sa production de céréales, en évitant tout risque d’effacement des productions moins compétitives, françaises notamment ».

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