Comment les agriculteurs comptent voter aux élections européennes

À l’approche du scrutin européen du 8 au 9 juin 2024, les agriculteurs ont été interrogés sur leurs intentions de vote mais aussi leurs attentes pour l’Europe. Ce sondage (1) réalisé par le Cevipof et l’Agro Toulouse pour le groupe Réussir révèle ainsi un électorat sévère avec l’action de l’Union européenne et un ancrage politique à droite.

Des agriculteurs plus à droite, mais moins extrêmes

Ce sondage basé sur un échantillon de 1 258 agriculteurs (2) donne plusieurs enseignements. Tout d’abord, les agriculteurs ne diffèrent pas du reste de la population et placent le Rassemblement national (RN) en tête des intentions de vente. Avec 26,1 %, la liste de Jordan Bardella n’atteint toutefois pas les niveaux nationaux qui oscillent entre 30 et 33 %.

Cet écart se fait au profit des autres listes de droites comme celle de LR (Les républicains) qui avec 14,1 % fait plus du double des intentions des Français dans leur ensemble. Une liste au coude à coude avec celle de Renaissance à 14,2 %. Les agriculteurs interrogés placent ensuite les Écologistes-EELV à 9 %.

À l’instar de celle des LR, la liste de l’Alliance rurale de Willy Schraen et Jean Lassalle tire son épingle du jeu chez les agriculteurs et atteint 7,7 % quand elle ne dépasse pas 1 % dans les intentions globales.

Même chose pour Reconquête qui séduit 7,4 % des agriculteurs contre 4,1 % des Français. À l’inverse, la liste Place publique – PS fait moins bien que pour la population globale avec 6,4 % contre des intentions entre 10 et 13 % pour le reste des Français.

Des particularités

Interrogé par la France Agricole, Pierre-Henri Bono, économètre au Cevipof et coauteur de l’étude, met en lumière une des particularités de l’électorat agricole. « Les agriculteurs sont en général de droite, mais dans une droite traditionnelle. Cela se traduit notamment par les surintentions de vote pour LR dans cet électorat par rapport au reste des Français », observe-t-il.

L’âge est un autre facteur déterminant, notamment sur la question des partis les plus à droite. Quand 29 % des sondés de 56 ans et plus et 34 % de ceux entre 41 et 55 ans prévoient confier leur vote au RN ou Reconquête, le chiffre bondit à 43 % pour les agriculteurs de 40 ans et moins.

La couleur syndicale déterminante

Cette étude s’est aussi penchée sur l’engagement syndical et le vote. Pour les interrogés sympathisants de la FNSEA et JA, les intentions sont équivalentes pour Renaissance, LR et le RN, autour des 25 % pour chacun. En revanche, les proches du Modef ou de la Confédération paysanne sont très favorables aux Écologistes avec 39 % devant LFI à 22 %. De l’autre côté du spectre, on retrouve les interrogés se réclamant proches de la Coordination rurale qui plébiscitent le RN avec 47 % et 15 % pour Reconquête.

Environnement ou croissance, les agriculteurs « polarisés »

Alors qu’ils jugent plutôt négativement l’influence de l’Union européenne sur l’agriculture, les sondés ont listé leurs priorités pour l’avenir, puisant dans les propositions des candidats. Pour 65,2 % de l’échantillon, c’est la protection du marché européen qui importe le plus devant la limitation des normes environnementales avec 44,4 %. La mise en place de prix planchers garantis est souhaitée par 38,6 % d’entre eux devant la fourniture d’outils assurantiels avec 33,7 %.

Le rapport à l’environnement des agriculteurs a également été testé en évaluant la priorité donnée à la croissance face à celle pour la protection de l’environnement. Sur ce sujet, les agriculteurs s’avèrent tranchés avec notamment 12,8 % pour une priorité totale à l’environnement et 14,9 % à la croissance économique, quand les Français sont beaucoup plus partagés sur cette question.

« Ce qui m’a surpris le plus c’est le clivage politique. D’un côté les agriculteurs de gauche, certifiés bio et beaucoup sur l’environnement, et de l’autre les agriculteurs de droite, plus sur la croissance et en agriculture conventionnelle. C’est très impressionnant », confie Pierre-Henri Bono.