Bruxelles trouve un accord sur les importations agricoles ukrainiennes
Les États de l’Union européenne et les eurodéputés se sont accordés pour reconduire l’exemption de droits de douane sur les importations agricoles venant de l’Ukraine, en l’assortissant de restrictions renforcées mais sans plafonner le blé.
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L’accord, qui a été approuvé formellement dans la soirée du lundi 8 avril 2024 par les ambassadeurs des Vingt-Sept, reconduit à partir du 6 juin, pour un an, cette exemption tarifaire accordée au pays en guerre.
Adoptée en 2022 pour soutenir Kiev face à l’invasion russe, elle alimente la colère des agriculteurs de l’Union européenne, qui accusent l’afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux et de relever d’une concurrence « déloyale » faute de respecter les mêmes normes.
Pour répondre à ces préoccupations, le texte, qui devra encore être validé par les eurodéputés et une ultime fois par les ministres des Vingt-Sept, prévoit un strict encadrement.
Bruxelles sort le « frein d’urgence »
Bruxelles pourra désormais adopter des mesures correctives « rapides » en cas de « perturbations importantes » sur le marché, même si cela ne touche qu’un seul pays, avec une surveillance accrue des flux de céréales.
Surtout, un « frein d’urgence » est introduit : les importations exemptées de droits de douane de volailles, œufs, sucre, maïs, miel, avoine et gruaux (préparation de grains dégermés, NDLR) seront plafonnées aux volumes moyens importés entre la mi-2021 et la fin de 2023, niveaux au-dessus desquels des tarifs seront automatiquement réimposés — sous 14 jours.
« En prolongeant d’un an le soutien (en termes de droits de douane), cet accord témoigne de la solidarité continue de l’Union européenne », tout en « renforçant les garde-fous pour protéger les agriculteurs de l’Union européenne en cas de perturbation du marché » sous l’effet des « répercussions des attaques incessantes de la Russie contre l’Ukraine », a observé l’eurodéputée lettone Sandra Kalniete (PPE, droite), rapporteure du texte.
Pour autant, plusieurs pays dont la France réclamait l’élargissement à l’année 2021 entière de la période de référence pour calculer les volumes de plafonnement, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 proposés initialement par Bruxelles correspondent à des importations déjà massives.
En incluant finalement le second semestre de 2021, période où les importations d’Ukraine étaient beaucoup moins importantes, le calcul conduira déjà de facto à abaisser nettement le niveau auquel se déclenchera le plafonnement.
Le blé tendre pas inclus
En revanche, le mécanisme de plafonnement n’inclut toujours pas le blé tendre et l’orge, comme le souhaitaient plusieurs États membres, France, Pologne, Hongrie — à l’unisson des organisations agricoles. Le texte adopté ne contient finalement qu’un engagement de la Commission européenne à renforcer sa surveillance des échanges de céréales, notamment de blé, pour activer si besoin des mesures d’urgence en cas de déséquilibre.
« Le compte n’y est toujours pas ! Années de référence, absence de l’orge et du blé, autant de points qui étaient clairs dans le mandat (initial) du Parlement européen et qui, aujourd’hui, manquent encore à l’appel », ont réagi l’eurodéputée française Anne Sander (PPE, droite), membre de la commission parlementaire de l'agriculture.
L’accord conclu lundi reprend essentiellement le texte déjà approuvé à la fin de mars par les Vingt-Sept, qui durcissait un compromis trouvé précédemment avec les eurodéputés.
Pour autant, le Copa-Cogeca (organisation des syndicats majoritaires) et cinq fédérations sectorielles avaient alors dénoncé une « demi-réponse » à leurs préoccupations, faute d’inclusion du blé et de l’orge dans le mécanisme de plafonnement et de volumes de référence comprenant l’année 2021 entière. En l’état, ce texte « n’accordera qu’un soulagement très limité à nos producteurs » et « la situation « restera insoutenable pour les agriculteurs », avertissaient-ils dans un communiqué commun.
Des restrictions qui inquiètent
De son côté, l’Ukraine ne cache pas sa déception ces dernières semaines face à ces futures restrictions — qui pourraient au total priver le pays d’environ 330 millions d’euros de recettes commerciales par rapport à 2023.
Kiev assure ne fournir à l’Union européenne qu’environ 1 % de sa consommation totale d’œufs et 2 % de sa consommation de volaille, tout en comblant un déficit de sucre sur le marché européen, et rappelle que les cours des céréales sont tirés vers le bas sur les marchés mondiaux en raison de récoltes abondantes de plusieurs pays producteurs.
L’accord conclu lundi prévoit par ailleurs que Bruxelles étudiera une libéralisation tarifaire « permanente » dans le cadre de la future renégociation de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine — une perspective qui alarme les organisations agricoles européennes.
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