Après deux heures de débats dans l’Hémicycle le 4 décembre 2023, les députés ont voté à la majorité absolue la proposition de loi (PPL) transpartisane sur les troubles anormaux de voisinage, avec 61 voix pour, 11 contre et 5 abstentions.

Parmi les principaux opposants au texte soumis en première lecture, Sandrine Rousseau (Nupes) et Ugo Bernalicis (La France Insoumise) ont notamment exprimé leurs craintes d’une dérive des « gros exploitants polluants » industriels et agricoles. Des inquiétudes balayées d’un revers de la main par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui est à l'origine de la rédaction de la PPL le 5 mars 2023 au Salon international de l’agriculture.

Dissuader les abus du voisinage

« On marche sur la tête ! Comment voulez-vous manger du pain si on ne peut plus couper le blé et qu’on est incommodé par le bruit des moissonneuses-batteuses ? », interroge le garde des Sceaux en introduction de la séance. Avec cette PPL, qui vient compléter le code civil et la loi du 29 janvier 2021 sur la protection du patrimoine sensoriel, « celui qui choisit de s’installer à proximité d’un lieu bruyant, odorant, ne pourra pas se plaindre d’un trouble anormal de voisinage alors même que la nuisance était présente au moment de son installation », explique le ministre. Cette PPL ne concerne pas uniquement l’agriculture qui en a été le fer de lance, mais toutes les activités économiques.

« Il est nécessaire de trouver un juste équilibre pour préserver les intérêts de tous et c’est justement l’objet de cette proposition de loi », assure de son côté la rapporteure du texte Nicole Le Peih (Renaissance). Un argument qui ne rassure pas les opposants auteurs d’une dizaine d’amendements.

Une loi contre l’agribashing

Selon la députée Sandrine Rousseau, « une alerte est nécessaire afin que cette PPL ne soit pas contreproductive. Contreproductive car ce texte ne doit pas offrir un droit à polluer aux industriels et aux gros exploitants. »

Une crainte partagée par le député Ugo Bernalicis qui s’inquiète de « conséquences non négligeables sur des possibles gros contentieux qui mettraient en cause des activités industrielles lourdes ou agricoles polluantes […] en passant par exemple d’un élevage moyen à un élevage intensif ».

Autant d’amendements que rejette le ministre de la Justice réaffirmant le « bon sens paysan » de cette PPL et rappelant que « plusieurs centaines de procédures sont en cours à l’encontre d’agriculteurs du fait de nouveaux voisins quérulents qui se plaignent des nuisances liées à leurs activités. »

Et les députés Maxime Minot (Les Républicains) et Bruno Millienne (MoDem et Indépendants) d’évoquer le cas des éleveurs Vincent Verschuere et Fabien Le Coïdic pour qui ce texte, qui va désormais être soumis au Sénat, « aurait évité de frôler le burn-out. Il faut en finir avec l’agribashing constant ! » scandent-ils.