L’histoire

Louis était propriétaire d’une parcelle cadastrée AI 1, contiguë à celle cadastrée AI 2, à usage de chemin. Il avait édifié un mur sur ce qu’il considérait être la limite séparative des deux parcelles et installé sur un arbre de sa propriété un dispositif de vidéosurveillance.

Le contentieux

S’estimant propriétaires de la parcelle contiguë AI 2, Pierre et Anne avaient assigné Louis devant le juge des référés du tribunal judiciaire en démolition du mur empiétant sur leur fonds et en enlèvement des caméras surplombant sa propriété.

Selon l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En se prévalant de ces dispositions, Pierre et Anne avaient soutenu que l’installation du dispositif de vidéosurveillance portait atteinte à leur vie privée au sens de l’article 9 alinéa 1er du code civil. Et ils s’étaient fondés aussi sur une jurisprudence de la Cour de cassation sur l’installation d’un système de vidéosurveillance dans une copropriété. Il appartenait au juge des référés, selon Pierre et Anne, de faire cesser ce trouble manifestement illicite.

Mais Louis s’était défendu. Même si les caméras installées sur l’arbre planté sur sa propriété couvraient pour partie le chemin de passage revendiqué par Pierre et Anne, elles ne permettaient aucune atteinte à la vie privée des personnes empruntant le chemin. Confirmant l’ordonnance du juge des référés, la cour d’appel avait accueilli le moyen de défense de Louis. Le dispositif en litige ne couvrant qu’un chemin de passage commun au voisinage, il n’était pas démontré, à hauteur de référé, l’existence de ce fait d’une atteinte à la vie privée de Pierre et Anne. Aussi, la demande de dépose des caméras de vidéosurveillance installées par Louis devait être rejetée.

Mais se référant à sa précédente jurisprudence évoquée par Pierre et Anne, la haute juridiction a censuré au visa de l’article 9 du code civil la décision de la cour d’appel. Dès lors qu’elle avait constaté que les caméras installées permettaient la captation de l’image de personnes empruntant le chemin litigieux, les juges d’appel auraient dû tirer les conséquences légales de leurs constatations en retenant l’existence d’un trouble manifestement illicite.

L’épilogue

La cour de renvoi, se soumettant à la décision de la Cour de cassation, ne pourra que condamner Louis, au besoin sous astreinte, à déposer les caméras installées sur l’arbre. De cette histoire, on retiendra que la légitime préoccupation de la sécurité liée au droit de propriété ne doit pas, pour autant, se traduire par le développement intempestif de dispositifs de vidéosurveillance générateurs de conflits d’usage.