« On nous interdit de travailler »
Gérard Napias, le président de la FNEDT, tire la sonnette d’alarme. Pénalisés par les réglementations qui limitent leurs plages d’intervention, la taxation du GNR et les indemnisations à deux vitesses, de nombreux entrepreneurs ont le couteau sous la gorge.
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Trop c’est trop ! Gérard Napias, président de la FNEDT (Fédération nationale des entrepreneurs agricoles et forestiers), ne décolère pas. « Les gouvernements successifs n’ont jamais eu de reconnaissance pour le travail des entrepreneurs et là, on atteint un point de non-retour car on nous interdit de travailler », fulmine le président. Dans son viseur, l’article L.411.1 du code de l’environnement qui suspend une majorité de travaux ruraux et forestiers près de cinq mois dans l’année, du 15 mars au 15 août.
Interdiction de pénétrer en forêt
« À l’origine, l’objectif était de protéger les nidifications dans les haies, mais le gouvernement, à l’initiative de l’OFB (Office français de la biodiversité), a surtransposé cet article. Résultat, on nous interdit de pénétrer en forêt avec nos engins dès le 15 mars. Et après le 15 août, nous enchaînons avec les interdictions en raison du risque d’incendie. Quand on subit une période de pluies hors norme comme cette année, les entrepreneurs n’ont plus que quelques mois pour travailler et donc rentabiliser leurs machines », fulmine Gérard Napias.
Lui-même entrepreneur de travaux forestiers, il rappelle que dans de nombreuses régions, les objectifs de plantation du plan de relance ne pourront pas être tenus et que des entrepreneurs doivent choisir entre « se faire verbaliser ou respecter les engagements pris auprès des donneurs d’ordre, notamment l’ONF ». Par ailleurs, celui qui commet plusieurs infractions risque des poursuites pénales. Enfin, le travail des entrepreneurs est indispensable pour lutter contre les incendies de forêt, et, selon le Sdis, ils ne sont responsables que de 3 % des départs de feu.
Abrogé ou minimiser les effets de L.411.1
Pour la FNEDT, l’objectif est clair : il faut abroger l’article L.411.1 ou du moins réduire la durée de non-intervention. « Nous convenons volontiers qu’avec le réchauffement, la nidification commence par endroits à la mi-mars, précise Gérard Napias. En revanche, il n’y a plus nids en août. »
Les entrepreneurs n’entendent pas lâcher le morceau et s’ils n’obtiennent pas gain de cause, ils veulent obtenir une loi s’attaquant à la véritable cause de la disparition des oiseaux et des nids : les chats et chiens en divagation. « C’est malheureux d’en arriver à se défendre en accusant les autres, déplore le président de la FNEDT, mais si nous ne sommes pas écoutés, nous allons plaider pour l’interdiction totale de promener les chiens et laisser divaguer les chats en forêt du 15 mars au 15 août. »
« Les ETA ne sont pas des banques »
À ces difficultés s’ajoute la réduction progressive de l’avantage fiscal sur le GNR. « Les ETA consomment 30 % du GNR employé dans l’agriculture et la forêt, précise Philippe Largeau, premier vice-président délégué de la FNEDT. En 2024, une ETA qui achète 100 000 litres de GNR dans l’année avancera 18 100 € de trésorerie, un montant qui atteindra 21 400 € en 2025, puis 35 950 € en 2030. Bercy a annoncé deux avances de trésorerie en janvier et en juin, mais elles sont insuffisantes pour les entrepreneurs, compte-tenu des volumes achetés. Nous demandons au moins quatre avances, c’est-à-dire une par trimestre. Même si l’idéal, ce serait tous les mois. »
Selon une enquête conduite par la FNEDT, près de 40 % des entrepreneurs commandent plus de 10 000 litres de GNR par mois en période de pointe de travaux. « Et pour un volume acheté en janvier 2023, nous serons remboursés au mieux en juin 2024, précise Philippe Largeau. Nous faisons la banque et l’avance de trésorerie pour l’État. » Les entrepreneurs regrettent aussi l’absence de concertation entre les différents acteurs du monde agricole, au moment de l’annonce de cette réduction de l’avantage fiscal.
Les entrepreneurs pointent également l’absence de solution technique alternative à l’emploi des énergies fossiles « avec des solutions électriques de faible puissance, sans compter l’absence d’infrastructure pour alimenter nos engins en hydrogène ou biométhane, et surtout le coût exorbitant de ces nouveaux matériels ». « On nous pénalise tout de suite en nous martelant qu’il faut décarboner alors que les solutions techniques n’arriveront réellement que dans dix ans », fulmine Philippe Largeau.
Indemnisations à deux vitesses
Enfin, Gérard Napias et son bureau s’inquiètent de l’absence d’indemnisation des entrepreneurs en cas de sinistre. « Le cas d’école, c’est l’affaire Adama avec les betteraves qui ont dû être détruites. Les planteurs ont été indemnisés à hauteur de leurs pertes, mais pour les entrepreneurs sinistrés qui ont perdu les chantiers, nous estimons que l’indemnité est indécente et ne couvre même pas l’annuité du matériel. »
Les inondations récentes, qui touchent certaines entreprises du Nord-Pas-de-Calais déjà fragilisées par l’affaire Adama, ne vont pas arranger les choses. « Une nouvelle fois, l’exploitant agricole va être indemnisé mais pas l’entrepreneur, car aucune assurance ne veut couvrir nos pertes d’exploitation, regrette Gérard Napias. À terme, il faudra peut-être monter notre propre caisse d’assurance comme les entrepreneurs du BTP ont su le faire pour les intempéries. »
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