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Stratégie Redonner vie à son sol

En non-labour depuis dix-huit ans, Thierry Ghéwy a introduit des couverts, diversifié sa rotation, testé plusieurs formes de semis et, au final, a vu la fertilité de ses parcelles s’améliorer.

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Thierry Ghéwy, exploitant à Craonne, dans l’Aisne, est un pionnier de l’agriculture de conservation en Picardie. C’est la Pac de 1992 qui a constitué pour lui un déclic. « Conscient que l’Europe n’avait plus pour objectif la production au-delà de l’autosuffisance et s’orientait vers plus d’environnement, j’ai décidé de changer de système, indique-t-il. J’ai d’abord simplifié mon assolement, en le limitant à trois cultures : blé, betteraves et orge, mais je me suis vite rendu compte que cela conduisait à une impasse agronomique. Je me suis alors tourné vers des cultures à plus forte valeur ajoutée : pommes de terre et grosses carottes pour l’industrie. Là, j’ai vu les limites de la relation avec les industriels, pour qui le prix payé à l’agriculteur est toujours considéré comme la variable d’ajustement. La troisième piste explorée, celle des TCS, travail du sol simplifié, a été la bonne. »

Depuis 2001, Thierry s’est approprié, pas à pas, cette nouvelle façon de cultiver ses sols. « Le point central de l’agriculture de conservation, est la couverture permanente du sol », souligne l’exploitant axonais. Il opte également pour une rotation longue et diversifiée, avec des légumineuses, du colza, tournesol, maïs…, pour éviter la sélection de mauvaises herbes et d’insectes résistants. Il cherche à limiter les phytos en rejoignant un groupe en protection intégrée. « Entre 2003 et 2007, j’ai réduit en moyenne de 50 % les produits phyto, en supprimant les régulateurs de croissance, en limitant les insecticides au strict minimum et en réduisant de deux tiers les fongicides, et de 10 à 15 % les herbicides », explique-t-il.

Désormais, l’agriculteur sème ses couverts très tôt, juste après la récolte, avec son semoir à céréales Great Plains à deux trémies, pour garantir une bonne implantation et obtenir un couvert assez dense, afin d’éviter la levée d’adventices. Il les détruit tard, avec un passage de rouleau quand il gèle. Son choix se porte sur une crucifère antinématodes, qui capte l’azote et solubilise le phosphore, une légumineuse – la vesce commune – pour l’azote, et de la phacélie pour nourrir les abeilles et pollinisateurs en fin de saison, le tout associé à d’autres espèces.

Préserver les champignons

Thierry Ghéwy a été tenté par le semis direct dans les couverts, mais il a fait machine arrière. « Je suis revenu à un travail du sol très superficiel, entre 3 et 5 cm, avec une bêche roulante, Compil de Duro, de 5 mètres, explique-t-il. Cela permet de perturber les limaces et les campagnols et d’éviter le recours au glyphosate à l’automne, tout en préservant les champignons du sol et leur réseau mycorhizien, indispensable à une bonne nutrition des plantes. Au printemps, un léger travail du sol permet aussi de réchauffer le sol. » L’agriculteur sème les betteraves et le colza avec un strip-till attelé avec un semoir six rangs et 50 cm entre les rangs.

Avec dix-huit ans de recul, il est très satisfait de son choix. « J’ai réellement vu la biodiversité s’accroître et le taux de matière organique de mes sols faire un bond, reconnaît Thierry Ghéwy. D’après les indicateurs mesurés dans le cadre du projet Agrinnov, mes sols bénéficient d’une quantité de micro-organismes très élevée et diversifiée, et d’un rapport champignons sur bactéries très favorable. Ce qui leur permet de dégrader rapidement les débris végétaux. »

Dans ses sols de limon calcaire légers, l’exploitant obtenait des rendements assez moyens pour la région. « Ils sont restés équivalents à ceux que j’avais auparavant pendant sept ou huit ans, mais aujourd’hui, ils commencent à déplafonner, indique-t-il. Les cultures sont plus résilientes, moins sensibles aux maladies et à la sécheresse. »

Après avoir adopté la technique des plantes compagnes pour le colza avec des légumineuses, Thierry Ghéwy prévoit de semer ses betteraves sucrières et des féveroles au printemps 2020. Il va, par ailleurs, implanter une parcelle de jachère apicole avec quelques ruches, et 4,5 hectares de miscanthus dans une parcelle humide à potentiel limité.

Blandine Cailliez

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