1. Ce que disent les contestataires 1. Ce que disent les contestataires
Les cages, les absences de sortie des bâtiments, les interventions douloureuses sont de moins en moins acceptées.
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Depuis 2012, les controverses sur l’élevage font l’objet d’une étude très approfondie. Christine Roguet de l’Ifip, l’institut du porc, explique : « Les élevages subissent deux forces antagonistes : d’un côté, un marché libéral et très concurrentiel qui pousse à l’intensification de l’activité. De l’autre, le refus par la société de ce modèle intensif. D’un côté, la course aux coûts les plus bas, de l’autre des coûts supplémentaires pour répondre aux demandes de la société. »
Face à ces dilemmes qui perturbent l’activité et la sérénité des éleveurs, les instituts techniques de l’élevage (Idele, Ifip, Itavi) et le GIS Elevages demain ont lancé une étude en 2012. « Nous voulions comprendre pourquoi les systèmes d’élevage sont particulièrement contestés aujourd’hui, alors que la situation s’est améliorée sous l’effet des réglementations pour le bien-être animal, l’environnement et la sécurité sanitaire. » Ces recherches se poursuivent dans le cadre du projet Accept (Acceptabilité des élevages par la société en France).
Christine Roguet détaille : « Nous avons recensé les controverses sur l’élevage à partir d’entretiens avec les personnes qui y prennent part : filières, associations environnementales et de protection animale, de défense de consommateurs… »
Professionnels déroutés
Les controverses traduisent différentes visions de l’élevage. D’un côté, les professionnels estiment remplir leur mission en fournissant en quantité, à un prix accessible, une viande de qualité, produite selon des règles strictes. Ils justifient leurs pratiques par des arguments techniques et rationnels : l’économie de la filière exige que les animaux soient bien traités pour une bonne croissance. La queue des porcelets doit être coupée pour éviter le cannibalisme. Les truies sont en cage en maternité pour qu’elles n’écrasent pas leurs petits…
Diverses associations
Elsa Delanoue, dont la thèse en sociologie porte sur les controverses et les mobilisations locales sur l’élevage, a participé à l’étude : « Il est trop facile d’opposer frontalement le milieu agricole et les associations. Déjà, elles n’ont pas toujours le même point d’approche. Les associations de défense animale reprochent aux associations environnementalistes de bénéficier des subsides de l’État et de rechercher le consensus. De leur côté, ces dernières n’apprécient pas toujours la confrontation et la recherche de scandale des collectifs de défense animale, qui font de la surenchère vindicative pour exister. »
Entre elles, les associations animalières ne sont pas non plus sur la même longueur d’onde. Certaines veulent l’abolition de l’élevage, à l’image de L214 qui a filmé récemment les abattoirs. « Nous ne les avons pas interrogées dans le cadre de notre première étude car elles ne cherchent même pas le débat avec les professionnels. »
Pratiques refusées
En revanche, les associations dites « welfaristes » militent pour améliorer le bien-être animal en élevage. Certaines, comme CIWF France (Compassion in World Farming), développent une stratégie de partenariat avec les acteurs des filières animales, en récompensant par des trophées les bonnes pratiques. Elsa Delanoue poursuit : « La plupart des associations ont un point commun : une réflexion sociologique, philosophique, l’octroi de droits aux animaux, l’éradication des cages, des attaches. L’animal doit pouvoir sortir des bâtiments, fouiner. » Sont remises en cause des pratiques comme l’écornage à vif, la coupe des queues des porcelets, l’épointage du bec des poules. Les associations welfaristes retournent les arguments techniques : les porcs se mordent la queue, parce que les conditions d’élevage ne sont pas conformes à leurs besoins. « Porcs et volailles sont les premières cibles des critiques, en lien avec leur mode d’élevage, en bâtiments, avec des effectifs importants et plus intensifs qu’en élevage herbivore », constate Christine Roguet.
Le poids des médias
« Notre objectif, dans ces travaux, est de permettre aux acteurs des filières de mieux comprendre ce que signifient ces interpellations sociales. D’évaluer à quel point elles sont robustes, durables. D’envisager leurs conséquences potentielles sur l’évolution des modes de production et les segmentations de marché, poursuit Christine Roguet. Ceux qui pensent la cause animale ne sont pas des illuminés. Que l’on partage ou non leurs idées, leurs argumentations sont solides et ils ont accès aux médias. Leurs modes d’action sont efficaces : sous la pression de L214, Monoprix a cessé la vente d’œufs de poules en cage. »
La profession avance
Dans ce contexte, les filières animales expérimentent différentes voies pour faire évoluer les conditions d’élevage et répondre aux demandes de la société sans entamer leur compétitivité. Les initiatives se multiplient comme les porcs sans antibiotique ou la nouvelle agriculture Terrena en partenariat avec Super U. La compétitivité est aussi une question d’anticipation. En outre, les acteurs des filières ont tiré les enseignements des erreurs passées, notamment leur gestion de la controverse environnementale dans les années 90. De plus en plus nombreuses sont les initiatives pour rassurer le citoyen : les agriculteurs organisent des portes ouvertes, participent à la vie de la commune, interviennent dans les médias, créent des blogs ou animent les réseaux sociaux.
(1) Le projet Casdar Accept est piloté par l’ifip et associe l’idele, l’Itavi, les chambres d’agriculture et trois équipes de sociologues (Université Rennes 2, Agrocampus Ouest, Inra).
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