Blé : vers un progrès génétique 100 % bio
Des variétés de blé sélectionnées dans les conditions de l’agriculture biologique dès la première génération pourraient améliorer les résultats techniques à bas niveaux d’intrants.
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Placer les cultures dans les conditions de l’agriculture biologique dès le démarrage du processus de création variétal : cette piste semble porteuse pour déplafonner les rendements des cultures en agriculture biologique (AB).
Aptitudes des plantes à valoriser la matière organique du sol
Elle agite d’ailleurs le secteur de la sélection en lien avec le développement de l’AB et la volonté plus large de créer des filières de génétique végétale adaptées à l’agroécologie (1). Il s’agit notamment de travailler sur les aptitudes des plantes à valoriser la matière organique du sol, à produire des symbioses, à être compétitives sur les adventices, etc.
La sélection conventionnelle de blé est basée sur un idéotype (un modèle idéal de plante) qui n’est pas adapté à une agriculture à bas niveaux d’intrants, estime notamment Alain Peeters, agronome, agriculteur et professeur d’université belge (2). Lequel est favorable à l’utilisation par la recherche, d’un nouvel idéotype de blé adapté à l’agroécologie.
Les variétés biologiques des « coproduits » de la sélection conventionnelle
Cet idéal de plante aurait une rapidité forte d’implantation et de germination, un port de feuilles plus étalé, une capacité de tallage forte, des pailles plus hautes et un meilleur développement racinaire, avec par exemple des aptitudes à contrôler les adventices dans le sol (allélopathie). Autant de traits qui sont pas ou peu retenus en sélection conventionnelle.
Or aujourd’hui, les variétés françaises inscrites en bio au catalogue officiel sont issues de la recherche conventionnelle pour les premières générations de leur création (environ cinq ans). Les variétés biologiques inscrites se trouvent en quelque sorte être le coproduit de la sélection conventionnelle.
« Économiquement, nous ne pouvons pas financer la recherche variétale en totalité en bio », confirmait le représentant d’un sélectionneur français, présent lors de la visite annuelle des essais variétaux de la coopérative Biocer en juillet dernier dans l’Eure.
Tendance positive
En Europe des professionnels de quelques pays comme la Suisse, l’Allemagne ou l’Autriche, parviennent toutefois à trouver des solutions par des fondations ou du mécénat. Quelques variétés issues de ces initiatives sont aujourd’hui inscrites au catalogue, à l’image de Tengri ou de Graziaro. Parmi ces variétés, Alain Peeters constate une tendance à la hausse des rendements en fonction de l’année d’inscription. Cela pourrait montrer une capacité de la recherche en AB à rattraper son retard.
« Malheureusement ces génétiques ne sont pas évaluées dans le cadre du réseau de criblage français des céréales en agriculture biologique, déplore Adrien Pelletier, agriculteur bio dans les Yvelines. Le réseau limite ses activités aux seules variétés françaises. Ces cultivars sont donc peu visibles et presque pas accessibles pour les agriculteurs français. Par ailleurs, la sélection 100 % bio mettra sans doute beaucoup de temps à apporter les résultats attendus car elle bénéficie de peu de moyens. Nous sommes au Moyen Âge de la recherche et développement sur le sujet. »
(1) Voir la saisine du Comité scientifique du CTPS (Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées) « Quelles variétés pour l’agroécologie ? » (2021).
(2) Il s’est exprimé sur le sujet lors d’une journée technique de l’association pour une agriculture du vivant (PADV).
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