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Fongicides sur blé Opter pour une approche technique

Adopter une variété résistante constitue l'un des moyens les plus efficaces pour réduire le besoin de protection fongicide.

Malgré un prix du blé qui a largement augmenté, une protection adaptée au contexte parasitaire et à la sensibilité des variétés semées est fortement recommandée.

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Avec une année climatique particulière, et notamment un printemps sec, la nuisibilité des maladies sur blé tendre a été de l’ordre de 11 q/ha et la dépense fongicide moyenne sur les blés tendres de 61 €/ha. La septoriose, d’habitude considérée comme majeure, a été présente en début de campagne puis sa propagation s’est arrêtée. La rouille brune est restée calme excepté dans le Sud-Ouest et sur une petite partie de la vallée du Rhône, où la maladie est installée. De son côté, l’oïdium a été favorisé par la sécheresse printanière, sur la moitié nord-ouest notamment. Le piétin échaudage a été discret en Lorraine, sur la grande façade atlantique et sur une partie du Sud. L’année a de plus été assez calme en termes de fusariose et de piétin verse.

Une moindre nuisibilité

La rouille jaune a en revanche constitué le sujet principal de préoccupation (voir encadré) avec une apparition assez précoce et un développement fort sur le littoral de la Manche et le nord du Bassin Parisien. De façon moins marquée, la maladie a aussi été observée sur toute la grande façade atlantique, la frange ouest de la région Centre et sur la Champagne.

Arvalis confirme que les années récentes (2017-2022) présentent des nuisibilités qui se suivent et inférieurs à celles de la période précédente (2004-2016) avec respectivement, 12 q/ha en moyenne, contre 18 q/ha. Cela s’explique pour partie par le choix de variétés plus résistantes, dont la part de marché se développe. Il existe aussi des contextes climatiques de printemps certainement moins favorables aux maladies. « Les deux causes restent difficiles à démêler, juge l’institut. Rien ne dit que ça va continuer mais les années se suivent et se ressemblent... Il en résulte donc que ces changements doivent être pris en compte pour établir sa protection. Se protéger contre des pertes potentielles de 12 q/ha ou de 18 q/ha ne justifie pas du même nombre, ni de la même dose de fongicide. »

Enveloppe 2023

Dans un contexte de prix élevés des matières premières, où ceux du blé ont jusqu’à doublé, certains pourraient être amenés à se questionner sur la stratégie à adopter. C’est pourquoi l’institut, a testé trois raisonnements : ne pas augmenter la dépense, ce qui revient à baisser la dose, car les prix des produits sont pour leur part 10 à 20 % plus chers ; de ne pas changer la dose ; ou l’ajuster à la hausse, pour « aller chercher les derniers quintaux ».

« In fine, toutes les solutions se valent à peu près. Toutefois, cela ne reste pas neutre en termes de dépenses ou de consommation d’intrant. Nous avons donc choisi de retenir l’approche technique. Il faudra avant tout une protection adaptée au contexte parasitaire de l’année dans chaque parcelle. C’est certainement le plus sûr moyen d’ajuster efficacement sa protection », considère Claude Maumené du service protection intégrée des cultures d’Arvalis.

Choix variétal

Par ailleurs, pour raisonner sa protection fongicide, Arvalis a cette année encore étudié différentes combinaisons de leviers. Certes, les résultats de quatre années d’expérimentation (38 essais de 2019 à 2022) prouvent que retarder la date de semis du blé tendre contribue à réduire la pression de maladie de 20 % en moins pour la septoriose. Mais c’est aussi risquer d’avoir des conditions de semis dégradées et encore plus de voir son potentiel de rendement diminuer, jusqu’à une vingtaine de quintaux. Le levier principal reste donc le choix variétal.

L’institut recommande ainsi d’éviter les semis très précoces et plutôt, quand cela est possible, d’opter pour des implantations à des dates classiques dans de bonnes conditions. « Les essais montrent qu’il est possible de moins traiter en ayant simplement recours à des variétés peu sensibles et productives et sans que le résultat économique de la culture soit pénalisé », ajoute Arvalis. En revanche, lorsque le semis est retardé (récolte tardive du précédent, gestion des adventices et des viroses), il est souhaitable d’adapter à la baisse son programme fongicide.

Vers moins de matières actives

Ces derniers mois, plusieurs produits ont été définitivement retirés : c’est le cas du prochloraze (fin d’utilisation le 31/10/2022), du cyproconazole (31/05/2022), du mancozèbe (04/01/2022), du thiophanate méthyl (19/10/2021) et du chlorothalonil (20/05/20). Leurs stocks ne sont donc plus utilisables.

2022 est restée relativement calme du côté des nouveautés (voir encadré). Et si l’on regarde le calendrier d’approbation des matières actives au niveau européen, 17 substances (1) arrivent en date théorique de fin d’approbation en 2023. A priori, elles ont toutes été soutenues et il n’y aura pas de molécule « abandonnée ». Jusqu’à nouvel ordre elles restent donc utilisables et les AMM (autorisations de mise sur le marché) des spécialités qui en contiennent sont prolongées. « Toutefois, le tébuconazole, dont l’approbation se termine fin août 2023 et lui aussi soutenu, reste très discuté compte tenu du classement de la matière active. Il est possible qu’il y ait des limitations d’usages ou que la matière active ne soit pas renouvelée après 2024 », fait part Jérôme Thibierge, du pôle maladies et méthodes de lutte, au Service Protection Intégrée des Cultures d’Arvalis. Pourtant, il s’agit de la substance active la plus utilisée sur près de 3 millions d’hectares. Les firmes, comme Arvalis, essaient donc d’identifier des solutions de remplacement, certainement d’autres triazoles, moins utilisées.

Parallèlement, il n’y a pas de nouvelles approbations de matières actives au niveau européen car les processus restent toujours extrêmement longs. L’institut rappelle suivre dans ses essais deux substances depuis quelques années déjà. Depuis 2018, l’Adepydin (pydiflumetofen) de Syngenta avec des résultats très prometteurs. La firme ne pouvant pas déposer de dossiers d’autorisation de mises en marché en France de formulation tant que la matière active n’est pas approuvée, les produits seraient disponibles à horizon 2025. La seconde est le Pavecto (methyltetrapole) déposé par Sumitomo Chemical et Philagro en France en essais depuis 2019 chez Arvalis. À noter également : le changement d’usage ou de phrases de risques pour quelques spécialités (Caramba Star, Revystar XL, Systiva, Azoxystar) qui peuvent notamment modifier les possibilités de mélanges.

Ralentir l’apparition de résistances

Arvalis surveille par ailleurs l’évolution des résistances de races de septoriose dans le réseau Performance (voir encadré) pour en retarder l’émergence ou la progression. Cela contribue à formuler des recommandations pour maintenir une efficacité satisfaisante des solutions disponibles, voire à limiter le nombre de passages.

Ainsi, alors qu’en 2020 et 2021, les essais ont montré qu’une seule application de folpel, fongicide multisite, n’a pas eu d’intérêt, l’institut a testé en 2022 l’incidence d’un double passage en T1 (1 à 2 nœuds) puis T2 (dernière feuille étalée à gonflement). Ce dernier ralentit la progression des MDR (Multi Drug Résistants) et des Car HR (hautement résistant aux carboxamides) comparé aux programmes doubles phosphonates de potassium et doubles triazoles, suivis de SDHI (carboxamides). Les essais montrent aussi qu’associé un Qii (fenpicoxamid, autorisé l’an dernier) à un SDHI en T2, ralentit la progression des souches résistantes aux triazoles et aux SDHI.

« Vouloir limiter significativement la progression des résistances en utilisant du folpel supposerait deux applications mais ce n’est toutefois pas ce qui se fait dans la pratique… Alors qu’utiliser Qii+SDHI au T2 produit le même effet bénéfique, en limitant la protection à une seule application, conclut Gilles Couleaud chez Arvalis. Mais on pourra toujours associer du folpel à d’autres modes d’action, au T1 ou au T2. »

Par ailleurs, les essais montrent aussi un fort impact du T1 (metconazole +soufre) en présence de rouille jaune, avec 5,5 q/ha de gain. Dans les situations à dominance de septoriose en revanche, le poids du T1 demeure plus modeste. « Pour la première fois, nous avons pu percevoir dans les essais Performance un impact de la résistance sur l’efficacité des SDHI, notamment ceux à base de prothioconazole », signale aussi le spécialiste.

À noter : il n’y a pas de résistance connue de la rouille jaune aux différentes matières actives fongicides.

T2, traitement pivot

Ainsi, après avoir pris en compte la sensibilité variétale, pour construire son programme fongicide, il faudra avant tout raisonner le traitement à dernière feuille étalée, le T2. Il s’agit en effet de traitement pivot, quasiment incontournable. Sont alors souvent combinées SDHI + triazoles ou fenpicoxamid + SDHI ou fenpicoxamid + triazole. Pour les zones où la rouille brune est la préoccupation majeure, et en présence de variété sensible, il est possible d’ajouter une strobilurine à 0,2 à 0,3 l/ha, sauf dans le cas d'une spécialité à base de benzovindiflupyr, telle que Elatus Era.

Les traitements au T1 comme au T3 (début floraison), se feront en fonction de la sensibilité de la variété et des préconisations de déclenchement des OAD (outils d’aide à la décision) ou de préconisation de Bulletins de santé du végétal, par exemple. « Dans la région Hauts-de-France, plus de la moitié des variétés sont peu sensibles à la septoriose et à la rouille jaune, c’est notamment le cas de Chevignon, KWS Extase… cela permet de faire une impasse au T1 dans un grand nombre de situations, constate Charlotte Boutroy, ingénieur régionale Arvalis. Toutefois, cette impasse doit se raisonner, notamment en présence de rouille jaune précoce, comme ça a été le cas en 2022. »

© Sébastien Champion - Arvalis insiste sur la nécessité d'observer précocement • entre 1 noeud et dernière feuille pointante - la présence de pustules, pour piloter au mieux la rouille jaune.

T1 souvent optionnel

Sauf observations particulières ou déclenchement conseillé par un OAD, le T1 n’est jamais systématisé sur des variétés ayant une note de septoriose supérieure ou égale à 6 et une note de rouille jaune supérieure ou égale à 7. En présence de rouille jaune, l’intervention se fera alors avec une triazole (tébuconazole ou metconazole par exemple) potentiellement accompagné d’une strobilurine (azoxystrobine notamment). Ce type de programme aura aussi une action sur septoriose.

Et lorsqu’il n’y a présence que de cette dernière maladie, différentes possibilités s’offrent. C’est notamment l’occasion d’employer des produits de biocontrôle (soufre et/ou Pygmalion à base de phosphonates de potassium) éventuellement associé à une triazole. « Cela dépend notamment de l’enveloppe prévue car certains programmes comme soufre + Pygmalion reviennent plus chers », ajoute l’ingénieure. Dans le cas de fortes pressions septorioses, ce qui est malgré tout de moins en moins le cas sur beaucoup de zones, plutôt qu’une association tout biocontrôle, on associera le soufre à une triazole.

Alterner les molécules

Quant au T3, il se raisonne en fonction des niveaux de risque de fusariose et si des conditions humides sont favorables à la montée de la septoriose sur les étages supérieurs. « Actuellement nous n’avons plus de produits très efficaces vis-à-vis de la fusariose, donc ce risque doit au maximum se raisonner en amont. Derrière un maïs, on travaille le sol et on opte pour des variétés moins sensibles avec un risque de Don (2) moindre », ajoute Charlotte Boutroy.

Si les conditions sont favorables à la septoriose et/ou à la fusariose, Arvalis préconise un T3 à base de triazole (prothioconazole, tébuconazole, metconazole ou bromuconazole), ou éventuellement Fandango S. « Attention, éviter l’azoxystrobine en T3, pour toutes les situations agronomiques où le risque fusariose est avéré et pour lesquelles l'objectif de qualité sanitaire est prioritaire », ajoute l’institut. Mais si l’on est en condition sèche de fin de cycle, on pourra envisager une impasse, comme ce fut le cas parfois en 2022.

Dans tous les cas, il faudra pour bien conduire un programme, respecter la diversification des modes d’action. Arvalis rappelle donc à nouveau qu’il ne faut pas plus d’une strobilurine et d’un carboxamide par campagne. Quant aux IDM (triazoles), il faudra éviter au cours d’une même campagne d’utiliser deux fois la même substance active.

1. Pyraclostrobine, benzovindiflupyr, cyflufenamide, metconazole, cyprodinil, metrafenone, Pythium oligandrum M1, prothioconazole, fluoxastrobine, proquinazide, folpet, tebuconazole, difénoconazole, tetraconazole, fenpropidine, spiroxamine et sulphur.

2. Les déoxynivalénols ou Don, sont des mycotoxiynes qui se retrouvent sur les épis contaminés par la fusariose.

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