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Le billet La course des « purs sans »

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L’autre jour, devant la télé, je me laisse aller à un petit plaisir : j’ouvre un paquet de chips. C’est bon les chips, mais c’est plein de gras et de sel. On sait tous qu’il ne faut pas en prendre trop… Aujourd’hui, pour nous déculpabiliser, les fabricants ont des arguments : il s’agissait de chips sans colorants, sans conservateurs et sans huile de palme.

Dans le sens courant, le mot « sans » exprime la privation, le manque, l’absence, l’exclusion. Sans argent, sans emploi, sans domicile fixe… Mais chaque époque a ses us, et le « sans » est devenu une valeur. Un signe de responsabilité. Savez-vous quel est le mot le plus utilisé en publicité ? En 2017, c’était le mot « nature » et, en 2019, le mot « responsable ». Il faut être responsable.

Jadis, les publicités nous vantaient – vendaient – des produits avec des vitamines, au pur beurre, avec du fluor, avec des oméga-3. Elles insistaient sur la fraîcheur, l’authenticité, la santé, le goût. L’heure est à la consommation responsable et raisonnée. L’important est de communiquer sur le « sans ». Il y a donc du sans sucre, sans sel, sans OGM, sans gluten, sans additif, sans lactose, sans alcool, sans arôme, sans viande… « Les “sans” sont les nouvelles stars des produits de grande consommation et le potentiel est encore énorme », indiquent les professionnels du marketing.

Après l’hédonisme des années 1970, cette mode est révélatrice de notre époque. Une société de l’interdit. La bien-pensance s’est déplacée. Elle est venue dans notre assiette. Nous nous corsetons dans des principes alimentaires, alors que la société est en décomposition. Le délitement des valeurs morales et des règles sociales qui nous permettent de vivre ensemble est patent. Révoltes, dégradations, insultes, bagarres… : cette incroyable agressivité ambiante ne présage rien de bon. N’est-ce pas les sans-culottes qui ont coupé les têtes ?

Dernière novation : les villes sans voiture. Avant, demain, les campagnes sans paysans ? Non, car il faudra bien manger…

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