L’Académie d’agriculture appelle à une transformation de l’élevage intensif
Face aux défis économiques, environnementaux et sociétaux, l’élevage intensif français doit « absolument et fortement évoluer », selon un rapport de l’instituition.
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Dans un rapport publié le 2 juin 2025, l’Académie d’agriculture de France pose un diagnostic sur l’élevage intensif en France, et tente de répondre à une question centrale : ce modèle peut-il être durable ? En s’appuyant sur les trois piliers de la durabilité — économique, environnemental et sociétal — le rapport ne condamne pas ce mode de production, mais appelle à une évolution en profondeur pour le rendre compatible avec les attentes de la société et les limites planétaires.
Pilier économique : un modèle fragile
Sur le plan économique, l’élevage intensif est reconnu pour sa productivité et sa capacité à fournir des produits animaux à coût maîtrisé. Il représente un levier important pour la sécurité alimentaire nationale. Cependant, le rapport souligne la forte hétérogénéité des résultats économiques selon les filières et les territoires, et un manque de résilience face à la concurrence internationale.
Les promesses de « montée en gamme » ou de « compétitivité hors prix » peinent à compenser les coûts structurels, constate l’Académie. Elles sont même jugées délétères par les auteurs, car elles ne correspondent pas à la demande majoritaire du marché, favorisant ainsi les importations. Ces dernières — notamment dans la restauration hors domicile — pèsent sur la balance commerciale, fragilisant encore davantage les filières nationales. Selon le rapport, la situation économique des systèmes intensifs est donc souvent incertaine à moyen et long terme, exacerbée par une concurrence accrue, notamment avec des pays ayant des règles de production moins contraignantes.
Par ailleurs, les outils de production et industriels français n’ont pas toujours su se restructurer ou s’automatiser pour atteindre la taille critique nécessaire à une meilleure compétitivité par rapport à d’autres pays européens. La pression sur les prix exercée par la grande distribution en France, différente de celle d’autres pays européens, contribue également à la fragilité économique.
L’institution met également en évidence que des coûts importants (environnementaux, sanitaires) générés par les systèmes actuels ne sont pas inclus dans le prix des aliments consommés. Ces coûts, supportés par la collectivité (santé publique, réparation des dégâts environnementaux), remettent en question la durabilité économique du modèle tel qu’il est actuellement, estime l’Académie d’agriculture.
Pilier environnemental : impacts majeurs et marges de progrès
Sur le plan environnemental, le rapport dresse un constat sévère : pertes azotées, émissions de gaz à effet de serre (notamment le méthane), consommation de ressources, et rupture du lien entre élevage et cultures. L’intensification et la spécialisation ont réduit les capacités des exploitations à recycler localement les effluents, ce qui engendre une dépendance accrue aux intrants et une perte du rôle écologique de l’élevage. Les auteurs constatent que les systèmes intensifs fonctionnent dans une logique essentiellement linéaire (ressources - produits - déchets) qui sous-valorise l’aptitude de l’animal à recycler les biomasses non directement utilisables par l’homme. Les effluents d’élevage ne sont, selon le rapport, pas suffisamment valorisés en tant qu’engrais organiques, contribuant à l’ouverture des cycles de l’azote et du phosphore.
L’Académie insiste sur la nécessité de fortement évoluer car « le statu quo n’est plus possible ». Pour réduire l’empreinte de ces systèmes d’élevage, elle recommande plusieurs trajectoires techniques : réduction des émissions de méthane, amélioration de la gestion des effluents et retour à un recouplage territorial entre élevage et productions végétales. Les auteurs préviennent que ce recouplage ne sera pas simple, se heurtant notamment à l’inertie des systèmes économiques (économies d’agglomération qui encouragent la spécialisation des territoires) et aux besoins d’investissement. L’acceptation sociétale du retour de l’élevage dans des zones où il avait disparu est aussi un enjeu.
Pilier sociétal : restaurer le lien entre élevage et société
Le troisième pilier, sociétal, fait l’objet d’une attention particulière. L’image de l’élevage intensif s’est dégradée dans l’opinion publique, notamment autour des questions de bien-être animal et d’impact environnemental. Cette défiance a des répercussions sur le métier d’éleveur, qui devient plus exposé et moins attractif pour les nouvelles générations. Elle crée du stress, de la colère ou de la tristesse, et engendre même une crise identitaire, explique l’Académie.
Cette dernière aborde aussi les risques d’une forte spécialisation des animaux par sélection génétique sur un petit nombre de caractères. Elle a conduit à des excès qui nuisent à l’image de l’élevage, comme les problèmes de bien-être chez les volailles à croissance rapide, la réduction de la durée de vie productive des animaux ou la « non-valeur économique » de certains jeunes animaux (poussins mâles, chevreaux…).
Un pacte sociétal et un engagement public jugés indispensables
« Les considérations précédentes montrent que les élevages doivent absolument, et fortement, évoluer par rapport à ce que l’on connaît aujourd’hui pour continuer à produire des aliments nutritifs tout en se transformant profondément vers plus de durabilité », écrivent les auteurs du rapport.
Cette transition, selon l’Académie, ne pourra aboutir sans un soutien fort des politiques publiques : accompagnement technique, aides à l’investissement, développement de filières durables, et outils de traçabilité renforcée. L’objectif étant de maintenir une production animale en France, mais selon des critères renouvelés de performance, alliant productivité, responsabilité environnementale et acceptabilité sociale.
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