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« L214 ne résume pas la cause animale »

Antoine Doré, chargé de recherche à l'Inrae et membre du laboratoire Agir, a cosigné « Sociologie de la cause animale ».

Antoine Doré, chargé de recherche à l’Inrae et membre du laboratoire Agir, cosigne « Sociologie de la cause animale » (1). Dans ce livre, les sociologues mettent en évidence la diversité des associations et des modes d’action des défenseurs des animaux.

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Qui sont les militants de la cause animale ? Ils sont souvent présentés comme citadins, ne connaissant pas le quotidien de l’élevage…

Il n’y a pas de portrait-robot du défenseur de la cause animale. Les données sociologiques sont lacunaires, mais il est possible de donner quelques repères. Il s’agit d’une cause très féminisée composée d’une base militante plutôt jeune et diplômée. Si cette cause s’exprime plus facilement en zone urbaine qu’en zone rurale, il serait réducteur de la cantonner aux milieux citadins. Il n’est pas rare de rencontrer parmi les militants des personnes ayant de proches parents ou ascendants éleveurs. Certains acteurs agricoles peuvent aussi être proches de ces milieux.

Aujourd’hui, le mouvement de la « cause animale », comme vous l’appelez, se renforce-t-il ?

On manque de chiffres, donc difficile de répondre. Globalement, il s’agit d’une cause qui a gagné en visibilité et dont le nombre de sympathisants a sans doute augmenté, notamment depuis les années 2010. Mais pour ce qui concerne le nombre d’adhérents aux associations, je ne pense pas qu’on puisse parler d’une explosion. Ce qui a évolué, c’est surtout le profil des défenseurs des animaux. Quand cette cause se structure en France au XIXe siècle avec la création d’associations comme la SPA, c’est une affaire d’élites qui cherchent à lutter contre la maltraitance et la cruauté. À partir des années 1970, les choses changent. Une nouvelle manière de penser la protection des animaux se développe. C’est l’animalisme, un segment de la cause qui cherche à abolir toute forme d’exploitation des animaux. De nouveaux modes d’action s’y développent et permettent à des personnes issues des classes moyennes de s’engager pour les animaux ; il s’agit par exemple de l’action directe ou des manifestations publiques.

Si elle est la « bête noire » de certains éleveurs, il ne faut donc pas se focaliser uniquement sur L214 ?

L214 ne résume pas le mouvement. La montée en puissance publique et médiatique de la cause animale en France est liée à l’essor de cette association. Donc un amalgame s’est créé. Ce que nous montrons dans notre livre, c’est que la cause animale est bien plus large, hétérogène, avec même parfois des désaccords internes.

Faut-il associer le végétarisme (et le véganisme) à la cause animale ?

Aujourd’hui, le grand public a tendance à les associer, alors que ce n’est pas toujours pertinent. Le renforcement de cette association est en fait une conséquence du développement de l’animalisme à partir des années 1970. Et il faut souligner que la protection des animaux n’est pas la seule motivation à adopter un régime végétarien. C’est surtout pour certain une question environnementale ou de santé. Si les éleveurs traitent le végétarisme uniquement sous l’angle de la cause animale, ils rateront quelque chose.

D’après vous, des ponts sont-ils possibles entre des représentants d’éleveurs et des représentants de la cause animale ?

Des ponts existent déjà depuis longtemps ! Au XIXe siècle, la SPA faisait la promotion de la viande chevaline. Aujourd’hui, des groupes de producteurs, des syndicats, des coopératives et des entreprises agroalimentaires établissent des partenariats avec des associations de protection des animaux telles que le CIWF ou l’OABA. Mais vous avez aussi des organisations qui entretiennent des rapports de force parfois violents, chez les militants pro-animaux comme chez les éleveurs d’ailleurs. Pour nous, mieux connaître et faire connaître la diversité du monde de l’élevage comme celle de cause animale est essentiel pour apporter de la nuance à des débats souvent très polarisés.

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