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Troubles du voisinage « Un dialogue à réinventer » entre ruraux et néoruraux

Les chambres d’agriculture et des élus locaux proposent des solutions pour entamer, voire rétablir le dialogue entre habitants de communes rurales.

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« Le problème tient au fait que les gens s’installent à la campagne avec l’idée de trouver un eldorado », a commenté Gilles Noël, maire de Varzy et président de l’association des maires ruraux de la Nièvre. « Ils viennent avec une vision un peu rêvée du rural alors qu’il a subi de grandes transformations », a renchéri André Torre, chercheur à l’Inrae.

Organiser des comices agricoles

À l’occasion d’un débat organisé le 16 mars 2022 par les chambres d’agriculture sur les conflits entre ruraux et néoruraux, les élus ont montré que ces incompréhensions naissaient souvent autour des activités agricoles. « Nombreux conflits tournent notamment autour des questions environnementales », a repris Gilles Noël. Les tensions entre personnes ont tendance montées d’un cran « comme dans le reste de la société, les avis sont désormais très tranchés d’une façon générale », a noté André Torre.

 

De gauche à droite : Henri Bies-Péré (agriculteur et vice-président de la FNSEA), Gilles Noël (maire de Varzy, Nièvre), Virginie Gravit (Association des Paniers solidaires de Saint-Jean-de-Bonneval dans l’Aube), Philippe Noyau (agriculteur et président de la chambre d’agriculture Centre-Val de Loire) et François Beaupère (agriculteur et président de la chambre des Pays de la Loire).

Les désaccords ne sont cependant pas sans solutions. « Dès que les relations se tissent, les choses se tassent, a ainsi remarqué Gilles Noël. C’est pourquoi nous organisons des espaces de discussion entre habitants. Beaucoup d’échanges ont lieu. Et tous les six ans, se tient notre comice agricole avec défilé de chars, bal de la reine… comme autrefois, mais aussi des innovations. Pour la dernière édition, nous avions inséré des hologrammes. Bref, il faut du festif. Tout cela fait du ciment ».

 

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Envoyer un sms la veille du traitement

Rémy Nodin, viticulteur en Ardèche, s’est vu aussi contraint de renouer le dialogue. En 2018, « alors que nous connaissions une forte pression de la maladie sur les vignobles », ces traitements ont provoqué la colère d’une habitante qui est venue l’attendre en bout de champ pour exprimer son mécontentement. « Ça m’a marqué », se souvient-il.

 

À partir de là, il a entamé des démarches pour mieux faire comprendre ses activités : « J’ai adressé à tous mes voisins un courrier en leur parlant de mon métier, aux différentes saisons. Et j’ai ajouté à cela un questionnaire pour mieux cerner leurs attentes. » Depuis, il leur envoie un sms la veille de chaque traitement. Il s’agit d’une des nombreuses idées qu’ils lui ont été proposées et qu’il a retenue.

 

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Ouvrir les fermes et randonner le dimanche

« Nous avons mis en place une charte de bon voisinage, a expliqué Christelle Minard, maire de Tremblay-les-Villages, dans l’Eure-et-Loir. Avec la chambre d’agriculture, nous avons également organisé une rencontre avec les habitants et les agriculteurs. Avec le réseau Familles rurales, nous avons par ailleurs lancé une opération “Fermes ouvertes” ».

 

Autres échanges possibles : « Les dimanches de randonnée créent du lien », a souligné François Beaupère, président de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Cela peut notamment être l’occasion de rappeler qu’« une parcelle agricole, c’est comme une pelouse privée même si elle n’est pas clôturée. »

 

Des événements sont proposés également dans toute la France par l’association Agridemain qui vise à réinstaurer le dialogue entre citoyens. En particulier des visites sur les fermes, a ajouté Philippe Noyau, président de la chambre régionale du Centre-Val de Loire.

Se réunir autour des activités économiques

Pour Henri Bies-Péré, éleveur et vice-président de la FNSEA, « le lien doit se nouer surtout autour des activités économiques, la colonne vertébrale des territoires ruraux ». C’est le fil conducteur du Manifeste « Pour des ruralités vivantes » signées par 40 acteurs ruraux (organisations professionnelles, associations et élus locaux) en décembre dernier. « Nous ne pouvons pas toutefois imposer nos pratiques, a rappelé l’agriculteur. Il faut écouter, dialoguer, anticiper surtout. Il est par ailleurs essentiel d’intégrer tout le monde dans ce type discussions, y compris les associations environnementales ».

 

« Des collègues me répliquent parfois : “On n’a pas le temps pour tout ça.” C’est vrai, a poursuivi Philippe Noyau. Mais ça fait partie de notre métier. On ne peut plus en faire l’impasse. Et quand on n’est pas l’aise avec l’exercice, on peut toujours s’y prendre à plusieurs. Pas tous les matins, mais deux ou trois rendez dans l’année, ça peut avoir ses effets. »

Des conflits sous-estimés

« Il existe beaucoup moins de conflits dans les espaces ruraux qu’au cœur et en bordure des agglomérations », a enfin voulu souligner André Torre, de l’Inrae, qui a déploré les excès des médias à parler de ces conflits… Mais c’est aussi bel et bien une réalité judiciaire. Vincent Verschuere vient en effet d’être condamné en appel, par le tribunal d’Amiens, à verser 120 000 euros pour les nuisances occasionnées par son élevage.

 

« Le monde agricole n’est pas procédurier, c’est en cela que les statistiques ne témoignent pas de tous les conflits », a indiqué un agriculteur dans les commentaires en marge de la visioconférence.

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