La robotique agricole à la croisée des chemins
Le marché du robot destiné aux grandes cultures peine à décoller et il est compliqué de deviner quelle technologie prendra le dessus, entre unité spécialisée et tracteur autonome. L’évolution de la réglementation devrait permettre d’y voir plus clair.
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Au début de juin, un véritable coup de tonnerre a retenti dans le milieu de la robotique agricole : le toulousain Naïo Technologies était placé en redressement judiciaire. La start-up créée en 2011 avait rapidement grandi et réussi à convaincre les agriculteurs et viticulteurs de l’intérêt de robotiser les tâches répétitives dans les champs, désherbage mécanique en tête. Le leader français de la robotique agricole n’a pas résisté à l’effondrement des ventes de matériels liés au désherbage mécanique, avec la fin des subventions.
Cette chute du leader français de la robotique agricole vient rappeler à tous que le marché des automates des champs est encore loin d’être mature. Alors que les ministres qui se succèdent à l’Agriculture font tous l’apologie de la robotique et la présentent comme une solution pour assurer la pérennité des exploitations, les agriculteurs sont encore bien loin de franchir le pas. Pour Bruno Tisseyre, enseignant à Montpellier SupAgro, « le robot demeure un gros investissement et il y a aussi un saut technologique à effectuer, ce qui explique que ce changement se fait majoritairement dans les cultures à haute valeur ajoutée ».
Des unités spécialisées
Ceux qui investissent optent pour des solutions de robotique « pure », c’est-à-dire des machines sans cabine. La plupart de ces automates sont destinés à une tâche précise, en général le désherbage mécanique comme les robots Naïo ou le semis monograine suivi du désherbage grâce à la cartographie précise de l’implantation de chaque semence. C’est le cas du robot FarmDroïd, l’un des plus vendus en grandes cultures, en particulier dans le secteur de la betterave bio. Le prix de ces petits robots légers est généralement inférieur à 100 000 euros.
Les tractoristes reprennent la main
Face à ces solutions, plusieurs tractoristes se lancent dans la robotisation de certains modèles en conservant leur cabine. L’objectif est d’offrir une solution polyvalente à l’agriculteur qui peut conduire son tracteur, par exemple sur la route, ou le laisser travailler seul dans le champ lorsque la réglementation l’autorise. Afin de proposer rapidement des solutions commercialisables, les full-liners ont multiplié les acquisitions stratégiques ces dernières années. John Deere a ainsi mis la main sur Bear Flag Robotics tandis que CNH s’est offert Raven et est entré au capital de Monarch. Alors que le premier a dévoilé un 9RX capable de fonctionner en autonomie en début d’année, CNH robotise la viticulture et automatise les tracteurs d’élevage avec des solutions de type Follow Me. Le tracteur est ainsi en mesure de suivre l’éleveur qui marche dans sa stabulation et le commande par des gestes de la main.
Même si Claas est l’un des actionnaires du robot AgXeed, le tractoriste allemand ne met pas tous ses oeufs dans le même panier et a dévoilé une version autonome de son nouveau Xérion. Ce 12.590 Terra Trac a été équipé de nombreux capteurs de type Lidar et de systèmes vidéos. Kubota aussi multiplie les investissements stratégiques dans la robotique et l’intelligence artificielle et présente régulièrement différents prototypes, dont le plus avancé est l’AgriRobo doté d’une cabine. Les solutions pour robotiser un tracteur classique employées par les constructeurs peuvent aussi être achetées sous forme de kit par les agriculteurs. C’est le cas du dispositif IQuus développé par le néerlandais GPX Solutions. Le kit est composé d’un boîtier et d’un ordinateur, mais également de plusieurs types de capteurs, avec des radars, des lidars mais aussi un pare-chocs qui coupe la machine dès qu’il entre en contact avec quelque chose. Ce dispositif peut s’adapter sur une grande partie des tracteurs du marché, munis d’une transmission à variation continue.
Évolution de la réglementation
Les constructeurs s’attendent à un décollage des ventes en 2027 lorsque la réglementation va évoluer. En effet, il n’est théoriquement pas possible pour le moment d’utiliser un robot évoluant à plus de 2 km/h en milieu ouvert. Mais la directive machines de 1995 qui encadre les matériels agricoles n’intègre pas les robots et chaque constructeur y va donc de son interprétation. Un nouveau règlement, qui entrera en vigueur en 2027, prend enfin en compte les machines autonomes. Les comités de normalisation sont donc à pied d’œuvre pour définir des exigences claires qui devront être respectées par tous pour homologuer les robots.
Reste à régler le déplacement entre les parcelles. Pour le moment, un obstacle juridique lié au code de la route, interdit à d’autres engins que des véhicules avec chauffeur de circuler sur les voies publiques non fermées à la circulation. Avec France Expérimentation, un arrêté d’expérimentation a été pris par les ministères concernés. RobAgri, l’association représentante de la filière de la robotique agricole, expérimente ainsi la circulation de robots agricoles autonomes (sous supervision humaine) sur des voies publiques.
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