Le travail sur la valorisation de la paille de lin oléagineux se renforce
Prix, stockage… De nombreuses questions doivent être débattues en filière pour consolider la valorisation des pailles de lin oléagineux. Un point important pour le développement de la culture en France.
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Si le lin oléagineux présente un intérêt agronomique (diversification), et économique (valorisation des graines, accès aux écorégimes de la Pac), plusieurs freins pèsent sur la culture. Citons le désherbage des graminées, dans un contexte de retrait progressif des matières actives, mais également la gestion des pailles. Les acteurs de la filière ont particulièrement échangé sur ce dernier point le 21 février 2024, lors d’une rencontre organisée par Lin 2000, Linéa Semences, Semences de France et la Fop (Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux).
Éviter le désengagement
Selon Reynald Tavernier, directeur de Linéa Semences, plusieurs producteurs ont fait savoir il y a quelques mois qu’ils ne souhaitaient pas poursuivre cette culture en raison des difficultés d’implantation de la culture suivante si les pailles ne sont pas exportées. « Cela nous a fait un peu froid dans le dos, se remémore-t-il : c’est dommage d’avoir des superrendements (30-33 q/ha), avec des prix proposés par les industriels, mais des facteurs limitants de ce genre. » C’est à partir de ce constat que la rencontre a été organisée. Actuellement, seules 8 % des pailles sont collectées. Le rendement en paille est d’environ 1,2 t de paille par hectare.
À quel prix ?
Les différents acteurs se sont accordés pour dire qu’un travail structurant de filière était nécessaire sur le sujet. Plusieurs questions clés doivent être abordées, en particulier celle du prix payé aux producteurs. Arnaud Day, directeur scientifique de FRD-Codem (1), appuie ce point en relatant l’expérience du Canada. Important producteur mondial, le pays « n’a jamais réussi à valoriser ses pailles de lin oléagineux », indique-t-il. Selon lui, la raison est simple : la valorisation insuffisante de la ressource par l’aval, en l’occurrence des sociétés d’industrie papetière, intéressées par la cellulose du lin.
Pour Eric Ducornet, de la Coopérative 110 Bourgogne, il faut viser 250 € la tonne de paille pour un produit correspondant aux qualités demandées par l’aval, stocké et livré. Pour l’heure, la marche est grande. Présent dans l’assemblée, un producteur de lin dans l'Eure-et-Loire chiffre : « Actuellement, nous n’avons qu’un acheteur de paille dans le département, et il l’achète 12 €/t ». À ce prix, peu nombreux sont ceux qui choisissent de la vendre.
La question du stockage doit aussi être travaillée. Eric Ducornet déclare : « Quand je place des surfaces de chanvre, je place aussi des surfaces de stockage de paille. Dans le cas du lin oléagineux, il faudra aussi anticiper. » Il évoque l’option de la centralisation et de la mutualisation du stockage et du transport. Zoé Le Bihan, référente en lin oléagineux chez Terres Inovia, confirme : « C’est une problématique que l’on trouve sur l’ensemble des cultures de diversification. C’est un frein logistique majeur, et cela fait totalement partie des éléments à travailler. »
Une filière « à fond la forme »
Bétons de lin, textiles, chaudières à biomasse, substrat pour champignons, paillage pour animaux… Les débouchés, qui demandent systématiquement une ou plusieurs étapes de transformation, sont nombreux. La R&D est active dans le domaine, et de nombreux projets sont déjà sur les rails, voire déjà concrétisés.
L’un d’entre eux, le projet multipartenarial Ozocell, semble être particulièrement structurant pour le secteur. Il vise à valoriser la cellulose contenue dans la paille de lin oléagineux dans le domaine des textiles. Décathlon (textiles techniques) et Bretagne Pack (emballages pour fruits et légumes) sont les deux metteurs sur le marché associés au projet. « Décathlon nous dit avoir besoin à l'horizon de deux ou trois ans de 2 000 tonnes de filaments de cellulose, cela représente 12-15 000 t de paille, précise Reynald Tavernier. On peut déjà envisager de monter des usines régionales. Et nous avons le soutien de la BPI » (Banque publique d’investissement).
« Nous avons tout intérêt à travailler ensemble sur un plan de filière », a estimé Grégoire Dublineau, directeur de la Fop. « Dès lors que nous serons tous capables de se mettre d’accord sur une stratégie commune et partagée, nous serons une filière qui sera “à fond la forme” », a-t-il plaisanté.
Déficit de graines en France
« Le lin oléagineux est une culture modeste en France, mais elle progresse depuis dix ans », note Nathalie Grosselet, chargée d’études à la Fop. Les surfaces ont atteint 34 000 hectares en 2022, contre 12 000 hectares environ en 2012. Elle précise que la France est actuellement déficitaire en lin et importe chaque année environ 16 000 tonnes de graines, 6 000 tonnes d’huile et 87 000 tonnes de tourteaux. En 2022, la France a produit 60 000 tonnes de graines.
(1) Société d’innovation privée et plateforme d’ingénierie de projets industriels.
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