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Les maraîchers doivent anticiper face aux changements du climat

Tout en insistant sur la nécessité de s'adapter, l'agroclimatologue Serge Zaka se veut rassurant, et estime notamment que la production de tomates va gagner du potentiel.

Lors du soixante-septième congrès de Légumes de France à Agen, les professionnels de la filière et les experts du climat s’accordent sur la nécessité de s’adapter au dérèglement climatique, avec pour leitmotiv l’anticipation.

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Alors que le dérèglement climatique s’accélère, les producteurs de légumes et de fruits doivent faire face à de nouvelles problématiques liées à leurs récoltes. « Demain, nos campagnes seront moins vertes avec des terrains plus secs. D’ici à vingt ou trente ans, le climat du Morbihan pourrait ressembler au climat aquitain d’aujourd’hui, avec de nombreux hectares de vignes », décrit Serge Zaka, chercheur et agroclimatologue, en ouverture d’une table ronde tenue au congrès de Légumes de France le 22 novembre 2024 à Agen (Lot-et-Garonne). La thématique abordée : « Demain quel maraîchage sur nos territoires face au dérèglement climatique. » Le rendez-vous a été marqué par une manifestation de la Coordination rurale.

Du potentiel à prendre « à condition d’anticiper »

« L’étude de l’évolution des variables agroclimatiques doit nous permettre de s’adapter, poursuit-il. Les paysages de demain pourraient ressembler à ceux d’il y a 70 ans, avec par exemple la réintroduction d’arbres aux cœurs des cultures, la réinstallation de haies, pour protéger les cultures de températures extrêmes, pour diminuer les besoins en eau. »

Les propos de Serge Zaka se veulent optimistes, malgré la crise agricole qui sévit. « Dans ce contexte, il y a des potentiels à prendre, à condition d’anticiper. Les maraîchers qui parviendront à s’adapter garderont des rendements. » Un des enjeux est le maintien de la souveraineté française sur la production de fruits et légumes. Aujourd’hui, 50 % de la consommation est produite en France, mais la tendance est à la baisse.

Modifier la saisonnalité

Une table-ronde sur la thématique de l'adaptation du maraichage au dérèglement climatique a été organisée lors du congrès de Légumes de France, qui s'est déroulé les 21 et 22 novembre à Agen. (©  Claude-Hélène Yvard/GFA)

Serge Zaka se veut rassurant dans ce département reconnu pour sa production de tomates. « Tomates, salades, oignons… On en produira toujours en France en 2050. Pour la tomate, on va gagner du potentiel au printemps et en automne quand on écrit des scénarios climatiques. La carotte va, elle, perdre du potentiel au printemps. »

Un hiver trop doux, sans période de gel, est dommageable pour les cultures fruitières avec plusieurs risques associés : un retard de la levée de la dormance, et des floraisons précoces et désordonnées. Par ailleurs, le gel est le meilleur des insecticides. L’agroclimatologue insiste sur la nécessité de s’adapter, avec comme premier critère la saisonnalité.

Avoir des ambitions pour l’avenir

Face à des épisodes de chaleur plus précoces et plus intenses, cette nécessité d’adaptation passe par des solutions résilientes face au climat de demain, mais aussi par l’émergence de nouvelles filières, comme la patate douce en culture estivale, les pistaches à Cavaillon, ou encore le déplacement géographique de certaines activités. Par exemple, l’abricot rouge du Roussillon pourrait très bien s’adapter à l’avenir en terre agenaise.

Pour Bruno Vila, maraîcher serriste dans les Pyrénées-Orientales, « l’opportunité des cultures de demain, passe indiscutablement par le stockage de l’eau. Et les solutions, on les a. Il faut reprendre ce qu’ont fait nos anciens. »

Pour préserver la production de fruits et légumes française, des solutions plus radicales et systémiques seront nécessaires, à l’image du déplacement géographique de certaines cultures, avec un impératif : conserver la viabilité économique des exploitations. Cela passera obligatoirement par de l’innovation, par des stratégies territoriales qui devront être soutenues financièrement par l’État, par de la planification, ou encore par une pédagogie vis-à-vis des consommateurs.

Face à ces enjeux, la filière compte s’appuyer sur ses outils, comme des abris climatiques testés dans des conditions extrêmes, sur son réseau, et sur la poursuite de ses recherches en termes d’innovation misant sur le collectif. « Seul dans son coin, on n’y arrivera pas », estime Sébastien Cavaignac, directeur d’Invénio, la station d’expérimentation de la filière des fruits et légumes en Nouvelle-Aquitaine.

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