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Europe : l’étude d’impact de la baisse des phytos jugée incomplète

Les ministres de l'Agriculture européens estiment l'étude complémentaire de la Commission européenne insuffisante.

Plusieurs ministres de l’Agriculture ont signalé l’absence « d’éléments essentiels » dans l’analyse d’impact complémentaire publiée par la Commission européenne le 5 juillet 2023. Celle-ci avait conclu que les objectifs de réduction de l’usage des produits phytosanitaires prévus dans sa proposition de règlement sur les pesticides (SUR) n’étaient « pas une menace » pour la sécurité alimentaire.

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La proposition de règlement encadrant l’usage des produits phytosanitaires (SUR) était au menu du Conseil de l'agriculture et de la pêche européen le 25 juillet 2023. Les ministres de l’Agriculture ont échangé sur l’étude d’impact de cette proposition, publiée le 5 juillet dernier par la Commission européenne. Cette dernière y a estimé que les objectifs de réduction — de 50 % de l’usage et des risques liés aux phytos d’ici à 2030 et de 50 % de l’usage des produits les plus dangereux — ne représentaient « pas une menace » pour la sécurité alimentaire.

Ce qui n’a pas suffi à dissiper les inquiétudes de Marc Fesneau, ministre français, et de la majorité de ses homologues. Ils ont notamment signalé l’absence de données chiffrées sur l’évolution des rendements et de la production dans le cas de la mise en œuvre de ce règlement. « Il serait irresponsable de notre part, sans données chiffrées, d’adopter une législation qui pourrait aller jusqu’à mettre en danger notre sécurité alimentaire », a par exemple estimé le ministre hongrois.

Pour rappel, la proposition de ce règlement SUR, adoptée le 22 juin 2022 par la Commission européenne, était déjà accompagnée d’une étude d’impact. La jugeant insuffisante et craignant une détérioration des trésoreries des agriculteurs et de la souveraineté alimentaire de l’Union européenne, de nombreux ministres avaient demandé à la Commission des données supplémentaires.

Souplesse nationale

Une majorité de ministre a réitéré son opposition aux objectifs de réduction obligatoires au niveau national, plaidant « en faveur d’une flexibilité permettant à chaque État membre de tenir compte de ses performances passées et de ses conditions spécifiques afin de fixer ses propres objectifs de réduction », comme le résume le Conseil de l’Union européenne. « En Finlande, cela fait longtemps que nous limitons notre utilisation de [produits phytosanitaires]. La proposition de la Commission ne tient pas suffisamment compte du travail déjà réalisé dans certains États membres, ou de la nécessité de protection de certaines cultures », a illustré la ministre finlandaise.

Le ministre français et plusieurs de ses collègues ont également mis en avant l’importance « de s’accorder sur la définition des zones sensibles ». Marc Fesneau s’est par ailleurs étonné de la position de la Commission « qui fait de la viticulture une production accessoire [qui] supporterait une baisse de production de 25 % à 30 % ».

Beaucoup ont toutefois reconnu « la nécessité d’examiner l’étude en détail » et de poursuivre les échanges pour « préparer l’adoption d’une position du Conseil en vue d’une négociation avec le Parlement européen », concluait le ministre espagnol, Luis Planas Puchades, qui assure la présidence du Conseil de l’UE.

Mesures miroirs

Pour la Coordination rurale, qui a réagi le 25 juillet à l’étude d’impact complémentaire, le règlement SUR ouvre la porte à des distorsions de concurrence. Il « aura pour conséquence une charge administrative supplémentaire pour les agriculteurs sans pour autant démontrer des bénéfices, [et] s’inscrit malheureusement dans une logique de décroissance. Quelle certitude avons-nous sur des outils alternatifs disponibles ? Force est de constater que, malgré des années de soutien à la recherche privée et publique, ces solutions n’arrivent pas assez vite face au retrait des produits phytosanitaires. »

À ce sujet, Marc Fesneau a rappelé la nécessité de mettre en place des mesures miroirs, et de proposer aux agriculteurs des alternatives « crédibles économiquement pour maintenir un état sanitaire important sur le territoire de l’Union européenne. Le changement climatique va également apporter de nouvelles maladies, nous aurons donc besoin d’éléments de lutte pour maintenir notre souveraineté. » Le ministre s'est réjoui de la concomitance de ce débat avec celui des NBT (nouvelles techniques de sélection génomique) tenu le même jour.

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