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Ajuster le pâturage sur le plateau de Millevaches

« Les prairies humides et les tourbières peu productives ne manquent pas d'intérêt dans notre contexte de réchauffement climatique », soulignent Pascal Breuil à côté de Leslie Fruleux de la chambre d'agriculture de la Corrèze.

Intégration des tourbières et zones humides dans le pâturage tournant et abandon du déprimage sont des mesures prises par Pascal Breuil, éleveur en Corrèze, depuis que les températures s’emballent.

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Depuis son installation en 1985, Pascal Breuil, à la tête de 80 vaches et 170 brebis limousines à Millevaches, en Corrèze, n’a pas cessé d’adapter ses pratiques. L’amélioration de la valorisation de l’herbe sur pied pour renforcer l’autonomie de l’exploitation en est l’illustration.

En 2011, l’exploitant a pris un premier virage en mettant en place le pâturage tournant. Il a divisé sa surface en îlots de trois à cinq paddocks, puis il leur a affecté un lot d’animaux en fonction de leur productivité. À partir de cette date, les zones humides, et en particulier les tourbières, sont entrées dans le circuit de pâturage.

Intérêt des prairies humides et tourbières

« Ce sont des espaces que je ne valorisais pas auparavant, explique-t-il. Ces tourbières datent d’une époque ancienne. Leur présence s’explique par l’absence de forêt qui privait les habitants de combustibles pour l’hiver. Ils utilisaient la tourbe extraite après séchage. » Au fil du temps, ces surfaces peu productives ont été délaissées. Dotées d’un pH faible, souvent autour de 3 à 4, elles sont constituées d’une végétation spécifique liée aux sols engorgés.

Les tourbières sont souvent dotées d'un pH faible entre 3 et 4 et elles sont dotées d'une végétation spécifique liées aux sols engorgés. (©  Marie-France Malterre/GFA)

Les sphaignes sont caractéristiques de ce milieu, et des espèces rares comme les droséras (plantes carnivores) y sont également observées. Selon le guide des sols humides, coordonné par la chambre d’agriculture de la Haute-Vienne, les poacées (famille de graminées) bonnes et moyennes représentent moins de 20 % de la flore. Selon le type de zones humides, elles représenteraient jusque 40 % de la végétation.

« Même si les prairies humides et les tourbières sont peu productives, elles ne manquent pas d’intérêt dans le contexte du réchauffement climatique, souligne Leslie Fruleux, de la chambre d’agriculture de la Corrèze. Sa souplesse d’exploitation est généralement plus importante qu’une prairie semée. Sa valeur alimentaire reste stable au cours du temps en raison des stades physiologiques des plantes plus longs. »

De 8 à 10 jours gagnés

Pascal Breuil valorise ces surfaces humides exclusivement pendant le mois d’août. « J’ai gagné 8 à 10 jours de pâturage en faisant tourner un lot de 24 mères suitées sur un îlot de 13,51 ha divisé en trois (voir les photos ci-dessus), assure-t-il. Les animaux rechignent toutefois à consommer ce couvert. Mieux vaut être vigilant sur la mise en place de la clôture. » La croissance des veaux est possiblement maintenue grâce à l’approvisionnement du nourrisseur. « J’évite également de proposer aux animaux un paddock mixte composé d’une zone sèche et d’une zone humide, sinon ils surpâturent le sec. »

La pluviométrie de 2024 n’a pas permis le passage du troupeau, mais comme les rendements des autres prairies étaient bons, la gestion fourragère globale de l’exploitation n’a pas pâti de ce manque.

« Le niveau de production de ces surfaces et le rythme de pousse sont incomparables à ceux des prairies, ajoute Leslie Fruleux. Ce sont des zones fragiles et les références en termes de gestion manquent encore. Les pratiques demandent à être validées selon le type de zone humide. Une étude est prévue en 2025 pour connaître l’utilisation de ces zones. Elle devrait fournir des conseils plus précis pour leur valorisation. »

Déprimage trop risqué

Sur les autres prairies, Pascal est également beaucoup plus réactif pour la gestion du pâturage. « Le pic de la pousse est souvent très concentré entre le 15 mai et le 15 juin, et la chaleur qui arrive ensuite grille le regain, observe-t-il. Je ne pratique plus le déprimage des parcelles de fauche. Mon but est de les récolter le plus tôt possible pour avoir suffisamment de repousses avant l’arrivée de la chaleur. »

L’exploitant est également satisfait de l’implantation des 6 ha de luzerne x dactyle qui ont apporté des stocks précieux ces dernières années. « Les vaches circulent aussi dans les sous-bois, leur passage stimule la pousse de nouvelles plantes l’année suivante », observe-t-il.

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