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Le Haut-Conseil pour le climat s’inquiète d’un recul de l’ambition française

L’organisme indépendant, chargé d’évaluer les politiques climatiques de la France, pointe notamment du doigt les retards dans la mise en oeuvre de certaines politiques publiques.

Un rappel à l’ordre sobre mais affirmé : le Haut-Conseil pour le climat (HCC) s’est fendu d’une rare lettre d’avertissement au Premier ministre, l’alertant sur la « dérive du calendrier » de la lutte contre le changement climatique qui lui fait craindre un « recul de l’ambition ».

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Le 21 mars 2024, le gouvernement s’était félicité du « record » français (hors Covid) de baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2023, à la suite de la publication par le Citepa d’une pré-estimation de baisse de 4,8 % pour l’an dernier.

Des efforts à fournir

Mais pour le Haut-Conseil pour le climat (HCC), il ne faudrait pas crier victoire trop vite. L’organisme indépendant, chargé d’évaluer les politiques climatiques de la France, pointe notamment du doigt les retards dans la mise en oeuvre de certaines politiques publiques, dans un courrier daté du 2 avril et rendu public jeudi.

Tout en saluant la baisse des émissions, il souligne qu’elles ne doivent « pas occulter les efforts majeurs » qu’il reste « à accomplir ».

Une telle baisse « si elle était confirmée […] doit être soutenue chaque année d’ici à 2030 et au-delà, et se refléter au sein de tous les grands secteurs émetteurs », souligne la présidente du HCC, Corinne Le Quéré, qui signe cette lettre adressée directement à Gabriel Attal.

Recul de l’ambition de la politique climatique

« À ce jour, le Haut-Conseil pour le climat constate qu’après plusieurs consultations et débats, ni la loi de programmation énergie et climat, ni la stratégie française énergie et climat, ni la troisième stratégie nationale bas carbone, ni le trosième plan national d’adaptation au changement climatique, ni la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie n’ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives », liste la climatologue franco-canadienne.

Or, « ces documents sont essentiels afin de guider l’action climatique à long terme » de la France alors que « le niveau d’urgence actuel, tant en matière d’atténuation que d’adaptation, […] invite à réaffirmer fermement et sans délai la politique climatique » du pays.

« Le Haut-Conseil pour le climat ne peut que s’inquiéter du risque de recul de l’ambition de la politique climatique induit par les dérives de calendrier de ses instruments les plus structurants », indique la lettre.

Le HCC est un organisme indépendant institué par Emmanuel Macron à la fin de 2018. Placé auprès du Premier ministre, il est composé d’une douzaine d’experts dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte et l’ingénieur Jean-Marc Jancovici.

« Changer d’échelle »

« L’alerte du Haut-Conseil pour le climat rappelle le besoin de poursuivre et d’intensifier les efforts », a reconnu jeudi après-midi le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, auprès de l’AFP.

« C’est ce que fait le gouvernement. C’est le sens de la planification écologique et de sa territorialisation qui se poursuit jusqu’à l’été », a-t-il ajouté, tandis que Matignon restait silencieux.

Néanmoins pour le moment ni les détails ni le calendrier de la troisième version de la SNBC, présentée comme « imminente » depuis des mois, ne sont précisément connus. Le Premier ministre a finalement décidé à la mi-mars de relancer une « grande consultation » publique sur cette stratégie ainsi que sur la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Le Haut-Conseil pour le climat pointe le fait que l’accélération de la baisse des émissions est « d’autant plus nécessaire » que l’état de santé actuel de nos forêts, affectées par le changement climatique, limite fortement leur contribution au stockage du carbone. Les chiffres du Citepa ne sont que des émissions brutes et ne prennent pas en compte l’effet des puits de carbone.

La France a pour ambition de réduire ses émissions de 50 % (–55 % en net, en intégrant les absorptions par les puits de carbone) d’ici à 2030 pour se conformer aux engagements européens et atteindre ensuite la neutralité en carbone.

« Ces défis ne pourront être relevés en France que si la politique climatique d’adaptation change d’échelle en devenant anticipatrice, préventive et transformatrice, et si le cadre stratégique pour l’atténuation, qui se construit, est mis en œuvre de manière opérationnelle et systématique », estime la présidente du HCC.

Elle rappelle que « différer la mise en œuvre comme réduire l’ambition de l’action climatique serait renoncer à assurer la protection de la population ».

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