Le jour où… « Je me suis réconcilié avec mon frère »
Dominique, céréalier, 62 ans
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« Avec mon frère aîné, nous avons quatre ans d’écart. À 16 ans, il a arrêté l’école. Mon père et sa sœur qui étaient en Gaec l’ont accueilli pour s’occuper des chèvres laitières. Il conduisait très bien son troupeau, mais n’était pas très à l’aise avec le tracteur. Par la suite, j’ai rejoint la ferme. Puis, nous n’étions plus que tous les deux : je m’occupais des céréales et mon frère des animaux. Il a voulu s’associer avec une jeune femme, sans apport financier. Je n’étais pas d’accord, et nous nous sommes séparés : il a gardé les chèvres, en hors-sol, et moi les cultures. On a pris chacun notre chemin. De mon côté, j’ai peu à peu agrandi mon exploitation, en parallèle de prestations pour les travaux agricoles. Finalement, lui ne s’est pas associé avec elle, mais les soucis financiers se sont enchaînés, et il a cédé à un couple, qui n’a d’ailleurs finalement pas payé, et qui soignait mal le troupeau. Les chèvres sont mortes peu à peu. Cela m’a rendu triste, j’ai grandi avec des bêtes, on s’attache. Mon frère, endetté, a craqué. Mon père voulait que je renfloue les comptes de mon aîné. Avec mon épouse, nous avons racheté les terres familiales pour l’aider, mais j’ai refusé d’aller au-delà. Mon père a décidé de prendre son parti, ça a été très dur. J’ai essayé de dialoguer avec mon frère, mais je me suis fait insulter.
« J’ai arrondi les angles »
Pendant presque six ans, on ne s’est pas parlé. J’allais quand même voir mon papa, mais de temps à autre il me lançait des piques. Je m’étais résigné jusqu’à ce que mon frère me laisse un message pour me dire que notre père était hospitalisé suite à un infarctus. Ensuite, j’ai arrondi les angles, et on a pu vivre les dernières années de notre père sans brouille. Maintenant, mon frère travaille sur les brocantes et vend de vieux 33 tours. Je suis content pour lui, ça a toujours été un passionné de musique. Il aurait dû apprendre à jouer d’un instrument. Lors des obsèques de papa début mai 2025, chacun a lu un texte, c’était émouvant. Quelques jours avant son décès, mon fils de 27 ans lui a rendu visite. Ils ont parlé de pêche, activité qui passionne mon garçon. Mon père se souvenait d’une anecdote qu’il avait lue dans le journal à propos d’un brochet. Cela m’a fait plaisir de voir ce lien grand-père/petit-fils. Aujourd’hui, avec mon frère, on se voit régulièrement. Notre brouille a été violente. Mais même si on ne se parlait plus, je l’ai toujours aimé.
Exergue : « Notre brouille a été violente. Mais même si on ne se parlait plus, je l’ai toujours aimé ».
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